"Il faut cultiver notre jardin"

jeudi 26 juin 2014

Un livre coup de poing

En finir avec Eddy Bellegueule est un un premier roman, fort, dérangeant, d'aucuns diront malsain.
Le jeune auteur, Edouard Louis, s'inspire peut-être de sa vie et nous fait plonger dans la violence quotidienne qui s'exerce contre les "pédés". Car telle est l'étiquette dont il se voit affublé très tôt. Coups de poings, insultes, crachats, viols (plus ou moins consentis), il ne nous épargne rien. Il raconte les mauvais traitements quotidiens qu'il subit avec un certain masochisme peut-être. Comme s'il voulait éprouver jusque dans son corps la haine liée à sa différence. Parce que lui, il est plus délicat que les grands dadets de son entourage, il est soucieux de son hygiène, d'une certaine éducation, ne se débrouille pas si mal que ça à l'école. Face à lui : un père violent et alcoolique, une mère simplette, un frère et une soeur qui sont rentrés dans le moule de leur milieu beauf et peu reluisant, des fins de mois plus que difficiles, le manque d'argent, l'omniprésence de la TV, des flots d'alcool et de grossièretés...... C'est presque du Zola du XXIè siècle ! En attendant de fuir cette précarité et ce milieu, d'échapper à ce déterminisme social, il encaisse les coups, les mots qui font mal. Il encaisse comme pour tester ce corps dont il pense, au début, qu'il le lâche.  Et ce qui prend à la gorge c'est le fait  que tout ça, ça existe vraiment ! Elle n'est pas belle la Picardie de son enfance, il est très laid ce village où les conversations ont des relents xénophobes, où l'ambition semble avoir déserté..... Avec Eddy, on touche le fond de la misère sociale, culturelle, on en prend plein la g.......
Entretien Télérama avec Edouard Louis 

lundi 23 juin 2014

En plein dans le mille !

Quand William Boyd s'essaye au roman d'espionnage, il fait mouche. Mission accomplie donc pour cet auteur britannique qui met ses pas dans ceux de Ian Fleming, créateur du fameux 007. 
Dans Solo, Boyd envoie donc le fameux agent secret dans un petit pays d'Afrique occidentale, le Zanzarim. Une guerre civile violente y fait rage et notre agent secret préféré a pour mission d'y mettre fin. Joli cadeau d'anniversaire pour celui qui vient de fêter des 45 printemps ! Accueilli par la ravissante Grâce, James se retrouve vite dans une situation délicate, aux mains des forces rebelles. Il est même grièvement blessé mais fermement décidé à faire la lumière sur une sombre histoire de trafic d'armes ou/et d'enfants, un truc un peu louche orchestré par des individus peu recommandables..... Quitte à  s'affranchir des règles et à travailler en solo pour atteindre la cible.
Tous les ingrédients d'un James Bond sont là : M, les whisky et autres vodka martini, les jolies femmes, les belles voitures, les planques...... Et en plus c'est bien écrit ! 
Une brillante imitation qui ne tombe jamais dans la caricature et dépasse même peut-être l'original. L'intrigue nous tient en haleine jusqu'au bout nous entraînant dans une subtile intrigue géopolitique. 
Vous avez dit Bond, James Bond ......

dimanche 22 juin 2014

West side story au musée d'Orsay

Réjouissante cette Moderne Olympia ! Ou comment conjuguer West Side Story, Histoire des arts et BD.
Tout droit échappée du célèbre tableau de Manet, Olympia ne cesse de courir les plateaux en quête de rôle de figurante. Elle n'aspire qu'à une chose : incarner Juliette et donner la réplique à Roméo. Mais elle se fait doubler par Vénus, star des studios d'Orsay, qui ne cesse de tourner sur des mises en scène orchestrées par les plus grands (Manet, Toulouse Lautrec, Cabanel, Van Gog. Et oui, quand on fait partie des Refusés, il n'est pas si facile de percer ! Et surtout pas de tomber amoureuse d'un "Officiel" même s'il est transi d'amour pour vous.
Catherine Meurisse se joue de l'art de l'intertextualité avec brio et nous entraîne dans les tableaux du Musée d'Orsay avec humour et énergie. Quand le célèbre musée devient le lieu de tous les possibles. 
Suivez le lien pour vous faire une idée : http://bit.ly/T2N8ti
A lire !

samedi 21 juin 2014

Un manga historique

Une grande première : je me plonge avec délices dans les premiers tomes du Manga Cesare de Fuyumi Soryo et ai bien du mal à en sortir ! 
Pise, Renaissance, Borgia, Médicis, Léonard de Vinci etc... Ces noms font naître tout de suite des images, éveillent de vagues souvenirs et sont connus de tous mais que sait-on vraiment d'eux ? L'auteur s'attache à nous dépeindre, avec minutie et avec force recherches (historiques, littéraires, picturales...) la personnalité de Cesare Borgia. Peut-on le réduire à un être violent, cruel et sanguinaire ? Pour Fuyumi Soryo, c'est un être plus complexe qu'elle veut nous dépeindre. C'est donc par l'intermédiaire d'un jeune Florentin, Angelo, fils d'artisan et non dénué de vivacité intellectuelle, que nous allons découvrir Cesare. Angelo est un protégé de Giovanni de Médicis grâce auquel il a pu entrer dans la célèbre université de Pise. A peine arrivé, il s'attire les foudres du fils de celui-ci par sa candeur, sa naïveté et sa franchise. Peu au fait des règles qui régissent les cercles étudiants (qui regroupent les étudiants originaires des mêmes villes) et les relations fondées sur les influences et les ambitions des uns et des autres, Angelo découvre un monde nouveau. Pise est, en effet, en 1491 un territoire sous influences où il n'est pas aisé de trouver sa voie.
Un dessin magnifique, parfois en couleur (reconstitution de la chapelle Sixtine avant les fresques de Michel Ange), des personnages fouillés, une intrigue enlevée : une belle réussite !

vendredi 20 juin 2014

Road movie déjanté

Carlos Salem signe, avec Je reste roi d'Espagne, un road movie barré dans lequel il entraîne un flic mélancolique - voire dépressif- et le roi d'Espagne qui a bien envie d'aller voir ailleurs et d'échapper au protocole officiel. Ils vont être poursuivis par Terreur et d'autres tueurs à l'air fort méchant, bien décidés à éliminer la personne royale....
L'intrigue peine à se mettre en place dans les premières pages et l'on se demande si l'on va cheminer avec l'ex-flic devenu détective Arregui. Mais quand tout s'emballe et que l'on apprend que le roi a disparu en laissant un message pour le moins sibyllin : "Je vais chercher le petit garçon. Je reviendrai quand je l'aurai retrouvé. Ou pas. Joyeux Noël", on s'embarque dans leur folle aventure, bien décidé à savoir ce que ce duo improbable va pouvoir inventer et comment il va se se sortir des griffes de ceux qui les poursuivent. Et on les suit, au gré de leurs pérégrinations, de course-poursuites rocambolesques, de traversées du désert et de villages arriérés dans une Espagne fantastique. Avec eux, on rencontre un voyant rétroviseur, un chef d'orchestre à la recherche d'une symphonie dans une somptueuse Rolls ..... on erre dans une Espagne parallèle, sur des sentiers qui mènent à une rivière qui permet de retrouver le monde réel..... Comme si cette escapade dans un autre temps permettait de se réconcilier avec le passé et d'accepter le présent.
Bref, Carlos Salem joue avec les codes du polar, mêlant tour à tour fantastique, mélancolie et humour. Car, il faut imaginer le souverain attifé d'une perruque de hippie, s'engueulant copieusement avec son compagnon de cavale ou lui racontant des blagues très nulles.... qui ne sont peut-être pas étrangères à toute cette affaire.....
C'est réjouissant et déjanté : merci à Magali pour le conseil.

lundi 16 juin 2014

Dress code

Dans son ouvrage, De l'art de mal s'habiller sans le savoir, Marc Beaugé - chroniqueur dans M le magazine du Monde - épingle les travers vestimentaires de ses congénères. Ses chroniques sont réunies dans trois rubriques : Trop à la mode, Trop maniéré, Trop ringard. Elles sont toutes illustrées par Bob London.
Est-ce bien raisonnable de s'habiller tout le temps pareil ? de porter des tongs à la ville ? de relever le col de son polo ? Personne n'est à l'abri d'une faute de goût.
Il s'agit donc de passer en revue les modes et tics de la mode masculine et féminine sans hésiter à rappeler que « derrière chaque usage et tic vestimentaire il y a un truc, une histoire, un technique, une ficelle psychologique, un héritage sociologique ou une embûche marketing. » On y apprend qu'il est vraiment ringard de porter un pull sur ses épaules, de mettre un teee-shirt sous sa chemise et que le port du sac à mains au pli du coude est à proscrire !
C'est drôle, assez caustique même si parfois un peu répétitif. A déguster et à méditer si on ne veut pas ressembler à ça ........

samedi 14 juin 2014

Tendre et frais

 Le voyage de Monsieur Raminet de Daniel Rocher est un petit livre frais et léger qui se déguste comme un joli fruit de saison. Monsieur Raminet, bien vite rebaptisé Pussy, est un prof de droit civil à la retraite. A soixante-six ans, il passe le permis, s'achète une voiture et s'embarque pour Saint-Malo. En route, il tombe sur/fait la connaissance d'une jeune américaine Jane, jolie comme un coeur et en plein road trip pour découvrir le monde, la vie, les autres. Ce duo désaccordé prend la route et au gré des étapes et des aventures apprend à se connaître. Ils croisent tour à tour un ancien navigateur, un jeune braqueur, un clochard paumé, des jeunes friqué.  Monsieur Raminet, au langage fleuri et un peu ampoulé se révèle finalement assez open. Il apprend même à faire de la planche à voile !  Quant à Jane elle n'est pas une simple belle-plante.... Et ça discute philosophie, sens de la vie avec humour, tendresse.
Un bon petit moment !

vendredi 13 juin 2014

Dans le scriptorium de Paul Auster

"L’homme qui, ce matin-là, se réveille, désorienté, dans une chambre inconnue est à l’évidence âgé. Il ne sait plus qui il est, il ignore pourquoi et comment il se retrouve assigné à résidence entre les quatre murs de cette pièce, percés d’une unique fenêtre n’ouvrant que sur un nouveau mur et d’une porte qui, pour lui demeurer invisible, doit bel et bien exister puisque des “visiteurs” vont la franchir… Sur un bureau, sont soigneusement disposés une série de photographies en noir et blanc, deux manuscrits et un stylo. Qui est-il ? Et que lui veulent ses interlocuteurs, dont cette Anna qui lui donne du “Mr Blank” et lui parle de comprimés, d’un traitement en cours, mais aussi, étrangement, d’amour et de promesses ? Une journée se passe, lors de laquelle les “visiteurs” qui se présentent reprochent au vieil homme de les avoir jadis envoyés accomplir de mystérieuses et périlleuses missions dont certains sont revenus irrémédiablement détruits. Et cependant qu’entre deux vertiges, corps et mémoire en déroute, Blank interroge des souvenirs qui refusent de se laisser exhumer, qu’il cherche dans le manuscrit l’hypothèse d’une explication, une caméra et un micro enregistrent le moindre geste, les moindres bruits de cette chambre où il subit son ultime et interminable épreuve…"

Tel est le résumé que l'on trouve sur la quatrième de couverture de cet ouvrage publié en 2007.
Blank est un vieillard sénile (ou en train de le devenir) ou la victime d'une terrible machination (enfermé par une organisation occulte) puisque l'on enregistre ses moindres faits et gestes et paroles. Assez vite, on comprend que Blank est enfermé dans sa création et croise la route de personnages qu'il a lui-même créés. Le roman devient alors la mise en abyme de la création littéraire : l'auteur est confronté à ses créatures, se pose la question du vieillissement et de l'inspiration. Intéressant mais l'on reste sur sa fin car Paul Auster se contente de confronter l'auteur à ses personnages sans pousser assez loin la réflexion sur le rapport entre ces êtres de papier et leur démiurge.