"Il faut cultiver notre jardin"

samedi 28 décembre 2019

La police des fleurs, des arbres et des forêts

Une enquête jubilatoire ! 
1961,  le village de P. est coupé du monde après de violents orages qui ont sérieusement endommagé les lignes téléphoniques. À la demande expresse du maire, Basile Boniteau, la procureur de la ville de M. envoie son meilleur officier de police… car on ne doit plus dire inspecteur depuis 1954…pour enquêter sur une macabre découverte qui pourrait avoir un effet dévastateur sur la réputation de ce trou inconnu de tout le monde mais où une usine toute neuve de confection de confiture entretient les espoirs de réussite du dit maire., Arrivé sur place, Michel – on apprend son prénom à la fin – hérite d'une adjoint efficace, Jean-Charles Provincio, le garde-champêtre, le fameux policier des fleurs, des arbres et des forêts.L'enquête peut commencer.
En effet, Joël a été égorgé, découpé en morceaux, mis dans des sacs de Galeries Lafayette et jeté dans une cuve de l'usine de confitures ! Il est donc nécessaire de faire toute la lumière sur cette sombre affaire. Force est de constater que les gens de la campagne sont bien expéditifs : le docteur-vétérinaire-médecin légiste a procédé à l'autopsie, le cadavre a été enterré dans une petite tombe et le deuil semble avoir été rapidement fait par certains habitants. Des travaux sont en cours pour ériger une statue de Joël sur la place du village afin de conserver sa mémoire et se souvenir de sa disparition macabre.Quelque peu agacé par toutes ces initiatives qui entravent ses investigations, l'officier de police cherche à s'acquitter on ne peut plus sérieusement de sa tâche. Il commence par interroger le tuteur. Joël, né de parents inconnus, avait été adopté par Félicien qui le faisait travailler. En face de chez ce tuteur, habite une certaine Martine qui fait des révélations révoltantes et n'aime pas du tout le garde-champêtre. Il faut aussi retrouver l’origine de gaillardes retrouvées sur les lieux du crime, ce qui sera l'occasion de faire la rencontre de la jolie fleuriste. Au fil de ses recherches, notre jeune officier rencontre les habitants de P. dont il trouve parfois le comportement déroutant mais il découvre aussi les charmes de la campagne (de l'épandage du lisier aux délicieuses balades bucoliques en passant par le calme). Son engagement est tel qu'il n'a de cesse d'informer la procureure de ses investigations via des lettres et des retranscriptions d'enregistrement - c'est qu'il est moderne ce Michel ! Les chapitres alternent donc entre correspondances et auditions. Dans ses missives, l'officier n'hésite pas à tout raconter (de ses premières impressions jusqu'à son mal de dos) avec une certaine candeur. Ses lettres sont donc souvent très cocasses, certaines scènes racontées surréalistes. La fin inattendue du roman (dont les indices sont pourtant distillés au gré des pages... mais c'est le principe de La lettre volée d'Edgar Poe. On a tous les éléments sous les yeux mais on ne les voit pas !) est assez jubilatoire.
J'avais bien aimé L'histoire du fakir enfermé dans une armoire ikéa écrit dans la veine de Paasilinna. Dans ce roman, Romain Puertolas campe à merveille la France des années soixante dans une écriture dynamique et certainement plus personnelle.
A lire !

jeudi 26 décembre 2019

Les simples

Ce nouvel opus de Yannick Grannec nous plonge en Provence, en 1584. Grâce à elle, nous pénétrons dans l'enceinte de l’abbaye de Notre-Dame du Loup où la communauté bénédictine mène une existence vouée à Dieu et à soulager les douleurs de Ses enfants. Leur vie est réglée par les offices mais aussi par les soins à prodiguer, les tâches quotidiennes à accomplir, les indigents à soulager, les herbes et les simples (nom donné aux plantes médicinales) à ramasser. Ces religieuses doivent leur indépendance inhabituelle à la faveur d’un roi, et leur autonomie au don de leur doyenne, sœur Clémence, une herboriste dont certaines préparations de simples sont prisées jusqu’à la Cour. Le nouvel évêque de Vence, Jean de Solines, dévoré par l'ambition, compte bien s’accaparer cette manne financière. Il dépêche, pour ce faire, deux vicaires dévoués, dont le jeune et sensible Léon, pour inspecter l’abbaye. À charge pour eux d’y trouver matière à scandale ou, à défaut... d’en provoquer un. Et cela viendra beaucoup plus vite que prévu.
En apparence, ce lieu est un véritable havre de paix, de vertu et de foi. Mais le diable se cache souvent dans les détails...... Et les manœuvres de Jean de Solines vont vite allumer un feu plus brûlant que celui de l'Enfer !  En l'espace de quelques semaines, l'harmonie se lézarde, se fissure et les portes sont grandes ouvertes pour l'arrivée du Malin qui sommeille en chacun. Évêque, abbesse, moniale, sœur, seigneur, jusqu'à Fleur, l'oblate (c'est-à-dire «une enfant consacrée à Dieu et donnée par son père aux louventines).... tous ont une part du diable en eux et quand celle-ci se dévoile au grand jour, quand les prières et les pénitences n'agissent plus, c'est le tourbillon, c'est la porte ouvertes aux diableries en tout genre, aux sorcières, aux exorcismes, à l'ordalie.
L'auteur tisse à merveille les fils de son intrigue, nous dévoilant peu à peu les âmes dissimulées sous un habit de foi. Où il est question d'amour, de haine, de jalousie, d'hypocrisie, d'ambition. L'écriture est agréable, l’intrigue bien menée et l'atmosphère de ce début de Renaissance à la fois religieuse et superstitieuse parfaitement rendue. Elle campe de beaux personnages comme sœur Clémence dont la bonté et le dévouement dissimulent les attaques de l'âge. Il y a chez certains personnages la truculence de ceux de jean Teulé et dans la description du cadre en harmonie avec la nature mais aussi dans l'examen du tréfonds des âmes du Carole Martinez. Une belle lecture !

lundi 23 décembre 2019

Un sacré bout de femme !

Dans son opus Dominique de Saint Pern nous raconte la jeunesse dorée mais pas si facile que ça d'Edmonde Charles Roux, fille de l'ambassadeur François Charles-Roux, habituée des salons et des palais dorés, lieux de pouvoir.
Mais les fées qui se sont penchées sur le berceau d'Edmonde n'ont pas décidé de lui offrir une vie si calme et si paisible. En 1938, tout se bouscule et la belle mécanique se grippe. Son fiancé Camillo Caetani, dont le mariage ferait d’elle une duchesse et une princesse, est tué sur le front albanais. Arrachée à la France de Vichy par l’intelligence d’un père qui sut déjouer les pièges de la collaboration, arrachée à la douceur du lien avec sa soeur, la belle Cyprienne, princesse del Drago, par l’Italie des Chemises noires, et le terrible secret qui unit celle-ci à Galeazzo Ciano, gendre de Mussolini, Edmonde voit ses repères vaciller. Mais c'est sans compter sur son incroyable énergie et sa force de caractère. Certes, elle continue de mener une vie de privilégiée (ski en cachemire à Mégève) mais elle sait aussi donner de sa personne, en renseignant la Résistance.
On skie en cachemire à Megève, mais on renseigne la Résistance. On joue du piano avec Samson François, mais on planque les réfugiés dans le jardin. On roucoule avec les Vilmorin, mais on compte les morts dans le Who’s Who macabre de la guerre. Sous les bombes, dans les officines du pouvoir, dans les infirmeries militaires, Edmonde le soldat de la 5e DB n’a pas froid aux yeux. En 1945, elle ne sera ni fiancée, ni duchesse, ni du beau monde, mais de tous les mondes à la fois. Et elle va se forger une personnalité étonnante. Indépendante, courageuse, optimiste, combattive et résiliente, certes Edmonde a de l'entregent mais elle l'utilise à bon escient et pour sauver les autres.
Au début de la lecture, on s'inquiète de cette plongée dans un univers digne de madame Figaro, on se demande quel peut être l'intérêt de suivre les pas d'une jeune femme très comme il faut. Mais Edmonde est d'une autre trempe que les princesses ou filles à papa, Edmonde a du caractère. Merci à Dominique Saint Pern de nous donner envie d'en connaître encore plus sur cette personnalité.

lundi 12 août 2019

Une jolie pépite

Les huit montagnes de Paolo Cognetti nous emmène dans la montagne du nord de l'Italie. Pietro est le fils unique d'un couple milanais. Pour eux, la montagne constitue une échappatoire à la vie bruyante, polluée et stressante de la ville qui affecte particulièrement le père Giovanni. Là, ils se retrouvent. Les parents renouent avec leur jeunesse... dont ils parlent peu mais qui a forgé leur couple. Le petit garçon, lui, découvre la nature sauvage de la vallée d'Aoste. Ils finissent par louer une petite maison toute simple à Grana et c'est là que le narrateur va se lier d'amitié avec un garçon du coin, Bruno, un vrai montagnard. Celui-ci va l'initier au torrent, aux éboulis, aux endroits secrets, aux vieilles cahutes abandonnées..... bref, il lui ouvre les portes de son territoire. Pietro va aussi découvrir avec son père les longues randonnées en montagne, le plaisir de marcher sur un glacier... mais aussi le mal de montagne. Ce seront alors des souvenirs ambivalents d'ascensions à deux ou à trois quand Bruno les accompagne. Il le suivra pendant un certain temps jusqu'à ce qu'un jour, il décide de laisser son père seul poursuivre ses ascensions qui l'éloignent des autres. Il préfère rester plus bas, arpenter avec Bruno les pentes du Grenon. Ils passeront tous leurs étés jusqu'à ce que Bruno prenne le large vers d'autres sommets (notamment l'Himalaya). Il y reviendra vingt ans après - grâce à son père- et retrouvera toute la force de l'amitié car Bruno, tel un roc, un omo servadzo, est resté sur la montagne. Ils vont reconstruire de leurs mains la barma, petit refuge qui servira de port d'attache aux deux amis et à Pietro qui, peu à peu , se réconciliera avec un père dont il comprend peu à peu l'attachement à la montagne.
Paolo Cognetti signe une ode magnifique à la montagne et un beau roman sur l'amitié. Mais ce ne serait pas lui rendre hommage que de simplifier ainsi son roman. Il s'agit aussi de creuser les rapports familiaux, et plus particulièrement, les rapports père-fils, de dessiner en filigrane des silhouettes paternelles qui ont du mal à s'épancher, à manifester leurs sentiments, d'où certains malentendus.
Finalement, on comprend "que l’apprentissage de la vie est une exploration qui évoque une longue randonnée. Parfois, on abandonne le sentier pour atteindre une crête, « juste pour le plaisir de découvrir ce qu’il y a de l’autre côté ».
Merci Isa pour le prêt ! 
@ lire ! 

dimanche 11 août 2019

Les passeurs de livres de Daraya

Au beau milieu des décombres d'une ville bombardée, martyrisée et meurtrie un îlot de résistance pacifique et littéraire subsiste malgré la faim, la peur et le manque de tout. Une quarantaine de jeunes gens, bien décidés à faire perdurer la réputation de leur ville natale a choisi de résister aux bombardements ignobles de Bachar Al-Assad et son régime autoritaire. De 2012 à 2016, la banlieue rebelle de Daraya a subi un siège inlassable de la part des troupes officielles, bien décidées à faire disparaître la population entière d'une ville. Bombardements, barils d'explosifs, attaques au gaz chimique, blocus radical empêchant tout ravitaillement, rien n'a été oublié mais le pilonnage systématique n'a pas entamé la détermination de ces jeunes qui ont décidé de construire une bibliothèque en récupérant, dans les décombres des maisons éventrées, tous les livres qu'ils trouvaient. Face à la violence aveugle la littérature, face à la violence les mots, face à la violence l'esprit. Tous leurs trésors exhumés de la poussière, ils les ont religieusement triés, inventoriés, rangés sur des étagères, et c'est dans une cave calfeutrée que les lecteurs peuvent venir se ressourcer au milieu de cet enfer. 
Une troupe d'amoureux des livres contre les troupes armées du régime : Ahmad, Shadi, Hussam, Abou Malek et Ustez sont des résistants héroïques. Pas forcément amateurs de livres avant la guerre, ils le sont devenus et c'est comme s'il y avait eu une urgence viscérale, un besoin profond d'opposer à la barbarie et à la domination politique et religieuse une autre voie, celle des mots, celle de l'esprit, celle de la raison. La lecture d'un ouvrage en appelle un autre, ils ont même recours à l'impression de certains textes, les téléchargent et d'aucuns les emportent parfois avec eux sur leur portable ou dans leur poche au front lorsqu'ils s'en vont défendre leur ville.
A nous Européens lovés dans notre confort, le rapport aux mots semble évident mais là-bas, dans les décombres de Daraya il est un acte de résistance absolue.
Cet ouvrage, né des échanges par skype et what's app entre Delphine Minoui avec ces insoumis, est un véritable coup de poing mais, surtout, une ode à la littérature et à son pouvoir, un rappel de la nécessité de lire, de réfléchir et de partager ses idées pour ne pas se laisser dicter ses décisions. 
En Syrie, il n'y a pas qu'un dictateur ignoble à Damas et Daech, il y a aussi des hommes qui nous rappellent avec un courage absolu que la liberté individuelle, la tolérance et l'exercice de la raison sont essentiels à l'homme.
Chapeau bas Mme Minoui et merci !

Quelques citations :
"Des heures durant, il évoque en détail ce projet de sauvetage du patrimoine culturel, né sur les cendres d'une cité insoumise. Puis il me parle des bombardements incessants. Des ventres qui se vident. Des soupes de feuilles pour conjurer la faim. Et de toutes ses lectures effrénées pour se nourrir l'esprit. Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive."
"Avant l'inauguration restait une dernière tâche à remplir : numéroter minutieusement chaque recueil et y apposer le nom de son propriétaire sur la première page. (...) Notre but, c'est que chacun puisse récupérer ce qui lui appartient une fois la guerre terminée, insiste Ahmad.
A ses mots, j'ai posé mon crayon. Impressionnée par son civisme. Muette devant un tel sens du respect de l'autre.
Des autres. Nuit et jour, ces jeunes côtoient la mort. La plupart d'entre eux ont tout perdu : leur demeure, leurs amis, leurs parents."
Quelques heures après les attentats du Bataclan, Delphine Minoui reçoit un message : 
"Ahmad vit sous une pluie de bombes.Il a perdu tant d'amis, n'a pas vu sa famille depuis quatre ans. A Daraya, son quotidien est une montagne d'urgences. Il a pourtant pris le temps de rédiger ce message, de partager sa compassion.
Un terroriste ne s'excuse pas.
Un terroriste ne pleure pas les morts.
Un terroriste ne cite pas - Amélie Poulain- et Victor Hugo"

jeudi 8 août 2019

Un assassin blanc comme neige

Un très beau recueil de textes qui se savourent un à un au gré des journées.
Une langue pure, dense et forte. Bobin dit le monde, sa beauté, sa fragilité. Il sait capturer les moments fugitifs et leur donner toute leur profondeur.
C'est beau.

mardi 6 août 2019

Une réécriture des lettres persanes ?

C'est l'été, certes, mais quand on est prof on reste à l'affût de lectures pour ses élèves. A quelques semaines de la mise en oeuvre des nouveaux programmes de français, je me plonge dans le roman de Chahdortt Djavann, Comment peut-on être français ?
J'y fais la connaissance de Roxane, jeune iranienne de 22 ans qui débarque à Paris, bien décidée à s'y installer. Volontaire, courageuse et obstinée, Roxane s'impose dès les premières pages. Elle nous raconte son parcours du combattant pour apprendre les premiers rudiments du français mais aussi le plaisir de fouler les allées du Luxembourg, de manger en terrasse un jambon-beurre accompagné d'un verre de vin rouge, d'enfourcher un vélo pour découvrir les rues de Paris. Le temps de la découverte est suivi de celui de la solitude, car il n'est pas aisé d'apprendre la langue de Molière ni de se faire des amis dans la capitale, ville lumières. Elle enchaîne les petits boulots, devient babby-sitter chez Julie, jeune journaliste, fait la connaissance d'un beau voisin coréen. Pour faire face au maelström d'émotions qui s'emparent d'elle et pour briser sa solitude, Roxane décide d'écrire à Montesquieu pour lui faire part de ses observations. Comme ses illustres ancêtres elle va confier à ses missives (qui lui seront, bien sûr, renvoyées !) ses étonnements, ses questions, mais aussi ses réflexions sur la différence de régime entre l'Iran et la France.  Et le passé ressurgit quand Roxane aurait bien le voulu le mettre à distance. Roxane aborde la question de la place des femmes dans la société, le rôle des Mollahs, la place des enfants dans le monde occidental, la liberté en Iran, la religion, le sport, la vie en France, la sécurité, la science, la solitude. bel aller-retour entre la France et l'Iran et qui permet d'interroger nos deux sociétés. 
Un bon roman même si je le trouve parfois déséquilibré : les 18 lettres n'arrivent qu'à une bonne moitié du roman - c'est normal me direz-vous - et la fin nous laisse sur notre faim avec une Roxane qui semble encore bien démunie et peine à concilier passé présent et futur. Peut-être est-ce parce que j'aurais voulu lire une petite note d'espoir plus nette à la fin ?

Deux citations :  « Sous le regard indifférent des gouvernements occidentaux, les autorités oppriment, condamnent, torturent, exécutent en toute impunité. Il n'est pas de l'honneur et de la dignité de l'Occident de s'allier avec des tyrans. Et pourtant il le fait, l'Occident, non seulement avec ceux de l'Iran, mais avec tous les tyrans. »
 « Que peut attendre ce peuple d'une religion qui l'humilie, le torture et ne lui laisse aucun esprit de vie ? »

dimanche 3 février 2019

Les 7 vies de l'épervier

France 1600, Henri IV est au pouvoir. Il cherche à pacifier son royaume, signe l'édit de Nantes mettant ainsi fin aux guerres de religion. Mais les mécontentements des catholiques et des protestants se font entendre. Le 27 septembre 1601 naît son fils Louis XIII (issu de son mariage avec Marie de Médicis). Le même jour, en Auvergne, naît dans des circonstances dramatiques, la jeune Ariane de Troïl, fille du baron Yvon de Troïl, lequel, soupçonnant son frère Gabriel d'avoir séduit sa femme, chasse ce dernier des terres familiales.
Gabriel croise sur son chemin une vieille femme - une sorcière ? une intermédiaire entre les hommes et le diable ?- qui le fait justicier... pour le prix de son âme. Il devient alors Masquerouge, et comme Robin des Bois et autres vengeurs, se fait justicier pour les plus humbles soumis notamment à la justice très arbitraire du comte de Bruantfrou. Ariane ne peut qu'admirer cet homme qui incarne à ses yeux la justice et l'équité. 
Sept tomes, 7 vies, 7 éperviers, 7 destins qui se croisent, un scénario haletant servi par des dessins précis et superbes.Cothias et Juillard réussissent une fresque historique qui nous emmène d'Auvergne à Paris, reconstitution fidèle de la France d'Henri IV.  Historique et fantastique à la fois, cette série est réussie. Petit bémol : est-il nécessaire de faire couler autant de sang et qu'à chaque page quasiment on s'écharpe, on s'étripe, on s'éventre ?

samedi 2 février 2019

Pillules bleues

Discussion à propos des Idoles de C. Honoré (un spectacle sur les années sida) : une amie m'apporte une BD de Frédérik Peeters. Couverture vive et lumineuse qui renferme une histoire finalement tout aussi lumineuse.
Et pourtant, ce n'est pas gagné ! L'auteur nous raconte ses retrouvailles avec une ancienne amie du lycée, Cati, qu'il a toujours aimée. Les hasards de la vie font que leurs chemins se croisent de nouveau. Mais une nouvelle donnée est à prendre en compte : Cati et son fils sont séropositifs. Que faire avec ça ? Comment vivre avec et comment continuer à aimer, à aimer la vie ? L'auteur raconte le parcours de cette famille recomposée autour d'un amour plus fort que le VIH et tout ce qu'il implique. C'est beau, c'est sobre et c'est une belle leçon de vie.

"-Pourquoi tu m'aimes?
- Parce que quand tu traverses un passage piéton, tu sembles faire l'amour à la rue entière... et parce que tu sens le croissant chaud en te réveillant le matin...(...) parce que je me sens bien avec toi... parce que tu me fais rire... et que tu me respectes et que tu me fais pas chier aussi...parce que tu me stimules... que tu as de l'esprit...que tu es honnête... que j'aime tes yeux, ton cul, toucher le bas de ton visage et ta nuque, ton ventre, tes mains rêches, l'inclination de tes sourcils... parce que tu es la seule personne avec laquelle je ne joue pas un jeu... parce que tu es cochonne et impudique... forte et fragile... que tu te poses les bonnes questions... que tu me fais rêver à un monde idéal... que tu me donnes l'impression d'être quelqu'un de bien...et parce que contrairement à ce que tu crois, de toutes les les personnes que je connais, tu es la plus douée pour la vie..."

mercredi 30 janvier 2019

De l'art de réfléchir à sa pratique professionnelle

Ou comment transformer une immobilité obligatoire.
Rupture du tendon d'Achille = pause obligée pour que la machine se reconstitue.
Lecture d'ouvrages sérieux et inspirants pour réfléchir à la manière dont on peut construire des cours plus efficaces.
Lus donc
Apprendre ! de S.Deahaene
Mets-toi ça dans la tête ! Brown, Roediger, Mc Daniel
Cessons de démotiver les élèves de D.Favre
Pour une enfance heureuse C.Gueguen
A garder pas loin pour relire certaines pages !

dimanche 20 janvier 2019

Quelques BD

Les tomes 4 et 5 de la série des Vieux fourneaux où les papys loufoques nous entraînent une fois de plus dans des aventures rocambolesques.
Une jolie découverte : Sur les ailes du monde, Audubon de F.Grolleau et J.Royer.
L'histoire vraie du premier scientifique américain - d'origine française et naturalisé américain, entré au Panthéon national. En 1810, John James Audubon s'embarque sur le Mississipi pour son premier voyage d'exploration. Quel est son objectif ? Découvrir et peindre tous les oiseaux du continent. Car J.J. Audubon est un excellent peintre, mais aussi un vrai aventurier. Et, pour lui, il est essentiel de voir les animaux dans leur environnement pour mieux représenter la vie.
Peu doué dans les affaires (il a contracté beaucoup de dettes) et soutenu par sa femme qui le voit s'étioler dans une vie qui ne lui convient pas, Audubon se lance dans une traversée du monde sauvage de l'Amérique. Sa quête et son acharnement lui permettent de supporter bon nombre de mésaventures. Les auteurs ont fait le choix de raconter certains épisodes de ses aventures et les font s'enchaîner dans une belle continuité malgré tout. Un bel hommage à un homme tenace et dont le rêve a bien failli, plus d'une fois, lui coûter la vie. Des planches splendides qui ne sont certes pas dans l'esprit naturaliste de l'époque (il dut se rendre en Grande Bretagne - où il croisa Darwin - pour les faire enfin publier) mais qui rendent compte d'une nature immense et foisonnante aux couleurs chatoyantes. S'il ne manquait pas de prélever (avec un fusil chargé) des spécimens pour les étudier avant de les naturaliser, Audubon est tout de même un homme dont la conscience écologique s'éveilla au gré de ses aventures.

Davodeau et Joub Il s'appelait Géronimo.
Élevé en France dans une ferme coupée du monde, Geronimo est un jeune garçon un peu paumé qui rêve d'aller aux États-Unis. Un jour, il prend son courage à deux mains et décide d'embarquer illégalement à bord d'un cargo. Persuadé de se rendre au fameux "pays des Indiens", il découvre qu'il fait en réalité route vers... la Guyane. Là-bas, sans ressources, obligé de faire la manche pour survivre, il va lui falloir un sérieux coup de pouce du destin pour s'en sortir... Lecture agréable mais le scénario manque peut-être un peu de profondeur. La quête de l'identité est effleurée.

Lune et l'autre de G.Germain nous emmène au Japon où trois personnages seuls et confrontés à des moments charnière de leurs vies vont se rencontrer, s'aider.
La prostitué Risa vient de tuer son mac. En cavale, elle découvre une étrange petite fille, Hana, qui semble elle aussi voyager seule et fuir la grande ville sans véritable but. L'une et l'autre vont sympathiser, au point de ne plus se quitter et de poursuivre ensemble leur périple hasardeux. Pendant ce temps, le passant qu'a heurté Risa dans sa fuite, Shin'ichiro, est plongé dans une introspection inquiète et douloureuse. Incapable d'assumer sa paternité prochaine, débordé dans son travail, ce jeune addict au travail se sent perdre pied et voit dans l'inconnue dont il vient de trouver le portefeuille une possible bouée de sauvetage. Mais lorsqu'il se rend chez elle, il découvre à côté de la jeune femme alitée le cadavre d'un homme.Sur la route des deux femmes, un vieil homme dans une maison isolée leur offre l’hospitalité. Il élève des lapins et raconte des histoires de lune. Des espaces temps poreux, des événements étranges et des disparitions mais la magie japonaise opère.
Une jolie lecture.

vendredi 18 janvier 2019

Au coeur de l'ouragan

Landfall de Ellen Urbani
En 2005, l'ouragan Katrina dévaste la Nouvelle-Orléans. C'est un désastre humain et écologique. Rose, âgée de 18 ans, accompagne sa mère qui est bien décidée à aller porter secours aux survivants. La voiture est chargée de manteaux, de vivres, de produits de première nécessité. Elles prennent la route après une petite friction : parfois elles ont du mal à communiquer même si, globalement, la mère et la fille s'entendent bien. Sur le chemin, leur véhicule sort de la route et percute une jeune fille. L'accident est violent, Rose est la seule à en réchapper. Commence alors une double période de deuil : elle a perdu sa mère et se retrouve seule mais elle se sent aussi responsable de la mort de cette fille, Rosy, qu'elle ne connaît pas et pourtant dont elle a le sentiment d'être proche. Est-ce parce qu'elle porte les baskets de cette fille ? est-ce parce que Rosy avait sur elle une page d'annuaire déchirée avec leurs coordonnées ? Commence alors une enquête qui va permettre à Rose de retracer le parcours de Rosy mais aussi de mieux comprendre son histoire personnelle et l'éducation reçue de sa mère. Un parcours qui apaise, qui permet de comprendre et de mieux s'accepter.
Deux trajectoires, deux vies qui, a priori, n'ont rien en commun mais dont on découvre au fil des pages ce qui les unit.
Un roman bien écrit, une intrigue bien menée avec une alternance de chapitres (un chapitre pour chaque fille) qui se comprend et qui permet de nouer les fils entre les deux univers : l'univers de la petite blanche et celui de la petite noire.
https://www.babelio.com/livres/Urbani-Landfall/820163

mardi 15 janvier 2019

Manège Petite histoire argentine

Laura Alcoba nous raconte une part de son enfance en Argentine.

"Maintenant, nous allons vivre dans la clandestinité, voilà exactement ce que ma mère a dit. Pour la trappe dans le plafond, je ne dirai rien, même si on venait à me faire très mal. Je n'ai que sept ans mais j'ai compris à quel point il est important de se taire."
Argentine, fin des années 70, en plein milieu d'une guerre civile, opposant l'armée et les autres (les résistants au régime), telle est la toile de fond de ce témoignage.
La narratrice nous raconte à hauteur d'enfant ce qu'elle a vécu : l’arrestation de son père, les visites en prison, l'entrée en clandestinité, la nécessité de faire attention à ceux à qui l'on parle, les caches et réunions secrètes. Un regard pas si naïf, qui retranscrit l'ambiance tendue mais aussi les espoirs de ceux qui s'opposaient à un régime.  
Un beau témoignage qui rend hommage à ceux qui s'engagent au péril de leur vie.

 

lundi 14 janvier 2019

Le lambeau

Philippe Lançon, un des rescapés des attentats de Charlie Hebdo, raconte son parcours depuis le 7 janvier 2015 et se raconte dans le Lambeau.
Un texte extrêmement bien écrit, nourri de la culture de son auteur, amateur de musique classique et de textes ardus (Kafka, Thomas Mann, Proust...) mais aussi de peinture, de sculpture, d'art.
Un texte écrit d'une écriture au scalpel, aux phrases travaillées et denses.
Un texte qui raconte l'après des attentats et la disparition de celui d'avant.
Un texte qui donne la place aux morts : des visions terribles au début puis pacifiées. Ils seront toujours là tous ceux que la violence aveugle et stupide a emporté dans un bain de sang.
Un texte qui explique comment on survit à des actes effroyables, atroces et impensables.
Un texte qui nous fait vivre de l'intérieur des événements qui ont ébranlé la France entière.
Un texte qui nous fait suivre une lente reconstruction (du bas du visage détruit et réduit en bouillie et à l'état de béance par les balles des frères K). 17 opérations, deux hôpitaux parisiens
Un texte qui nous plonge, non sans humour et auto-dérision dans la psychologie de la victime.
Un texte qui rend hommage aux soignants, aux médecins, aux chirurgiens, aux kinés, aux psy, aux infirmières et infirmiers, aux policiers.... 
Un texte qui compte ceux qui ont compté dans l'après : des parents, des amis, des proches.
Un texte qu'il faut lire car il ne remue pas le couteau dans la plaie, il ne joue avec le voyeurisme, il ne fait pas commerce de cette expérience. Il répare : il répare le presque-mort laissé vivant par les terroristes, il répare bien des plaies.
Une introspection puissante, jamais larmoyante, une belle réflexion sur le rapport à la haine, au pardon. Une sacrée leçon de vie ! Merci !

jeudi 10 janvier 2019

Magistral !

L'équilibre du monde de Rohinton Mistry est une véritable épopée. 
Inde 1970-1980, quatre personnages qui n'étaient pas forcément nés pour se rencontrer mais que le destin a rapproché. Ce roman est l'histoire de personnes qui font tout pour conserver un minimum de dignité dans un pays dont les rouages semblent plutôt avoir pour fonction de broyer les plus faibles. 
Dina Dalal, jeune fille vive et intelligente, se destine à des études de médecine. Mais la mort de son père et le rôle que s'arroge son frère sur sa famille la prive de ses ambitions. Lui, il souhaite la voir plutôt devenir l'épouse d'un de ses amis aussi suffisants que lui ou esclave domestique. Charmant tuteur ! Son caractère et son énergie vont néanmoins permettre à Dina de conserver son indépendance, à coup de privations et de travail. Le jeune Maneck se voit, lui, contraint de quitter ses chères montagnes pour entreprendre des études supérieures. Loin du cadre de son enfance et de ses parents, il peine à trouver dans Bombay sa place. Les deux tailleurs, Ishvar et Omprakash, peut-être les personnages les plus attachants, sont prêts à tout pour enrayer la roue du destin et gagner un peu mieux leur vie. Issus de la caste des intouchables, ils sont devenus tailleurs, suite à la décision du père d'Ishvar,  pour échapper à une vie sordide remplie d'humiliations et d'injustices. Leur séjour à Bombay sera-t-il vraiment à la hauteur de leurs espérances ?
Ces quatre personnages hauts en couleurs vont être réunis par les hasards du destin (et les choix du romancier) et, avec eux, nous plongeons dans la vie mouvementée et désespérante de millions d'indiens qui vivent dans une misère extrême. L'auteur brosse le tableau d'une société absurde où règnent en maître les plus forts, où la corruption seule permet d'exercer une autorité et où les plus faibles sont contraints de baisser la tête. Autour des protagonistes principaux gravite toute une faune de la pire espèce : le récolteur des loyers, les fonctionnaires de justice et de l'administration sociale, le maître des mendiants et ses esclaves, un coiffeur quasi fou qui fait commerce des cheveux, un montreur de singes détruit mais aussi le premier ministre - Indira Gandhi- totalement déconnectée de son peuple, ridicule et autoritaire qui n'a de public à ses meetings que parce qu'on l'on y déverse la foule des bidonvilles à qui l'on a fait miroiter un peu de thé et de nourriture. Tout cela sur fond de plans d'amélioration de la ville avec la destruction inopinée de bidonvilles qui fragilisent davantage encore les plus pauvres, d'élections truquées, de travaux forcés inhumains (on se croirait en Chine ou au Goulag) et, le pire, la fameuse campagne de stérilisation pour empêcher l'augmentation de la population !
Dina, jeune veuve désireuse d'échapper à la férule de son frère, décide de prendre son destin en mains et embauche deux tailleurs qu'elle va faire travailler dans son appartement. Pour boucler ses fins de mois, elle décide également de prendre un "hôte payant" en la personne de Maneck qui ne supporte plus les brimades et les conditions déplorables de la cité universitaire. Et tout ce petit monde va peu à peu prendre ses marques et apprendre à cohabiter voire à vivre ensemble. Les conditions de vie des tailleurs sont atroces : ils s'installent dans un bidonville et sont à la merci de décisions arbitraires prises par des employés véreux et corrompus. La description de leur cadre de vie rappelle à tout un chacun que les besoins élémentaires des hommes ne sont pas toujours assouvis (accès à l'eau, aux sanitaires, à la nourriture). Dina est, elle, bien décidée à imposer son autorité, tant sur le jeune étudiant dont elle souhaite guider les études (elle sait bien ce que l'on devient lorsqu'on ne va pas au bout) que sur les tailleurs avec lesquels elle se refuse à la moindre familiarité. Mais peu à peu l'appartement reprend vie et des liens se forment entre les personnages qui vont même recréer une sorte de famille. 
Ce livre offre au lecteur une immersion dans une société profondément inégalitaire, injuste et corrompue où pour bon nombre de miséreux le quotidien n'est qu'une question de survie. Un quotidien parfois sordide : la faim se fait souvent sentir, la saleté, les vers, les cafards, la distribution d'eau intermittente, autant de détails crus d'une réalité malheureusement tangible. Mais pas de misérabilisme dans le récit; l'auteur confère à ses personnages une grande dignité qui les empêche de désespérer. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : conserver sa dignité, se relever face aux événements les plus violents. C'est une société qui marche sur la tête, où certains pour leur profit personnel sont prêts à oublier la valeur de la vie humaine qui n'est qu'une marchandise.
Un récit dur et poignant mais dans lequel pointent de beaux moments de fraternité et de partage. A lire absolument !

samedi 5 janvier 2019

Les limons vides

Le livre de Dina de Herbjorg Wassmo est une trilogie dont je viens de découvrir le premier tome.
Ce roman nous embarque dans la Norvège du  XIXè, au pays des fjords et de la nature sauvage, sur les pentes des montagnes enneigées. Et c'est par une tornade folle que nous nous laissons emporter. La faute non seulement au climat âpre mais aussi au personnage principal, véritable ouragan, Dina la sauvageonne dont personne ne peut canaliser l'énergie brute. Cette femme indomptable, qui n'écoute que ses instincts les plus primaires, est celle par qui tout arrive.
Responsable de la mort de sa mère malgré elle, elle a redonné vie à Jacob, jeune veuf et commerçant prospère qui se laissait aller; elle souffle aussi le froid et le chaud sur le domaine dont elle devrait être la maitresse posée et délicate, sage et organisée. Elle s'échappe d'une vie à laquelle elle n'adhère pas en montant dans les arbres, en chevauchant à cru les paysages du cercle polaire, en se baignant en plaine nuit...... Parfois, comme par miracle, elle accepte de jouer du violoncelle dont elle a appris les rudiments grâce à un professeur particulier qui avait presque réussi à l'apprivoiser. Surgissent alors des moments de grâce.
Dina est une pépite non taillée, une pierre brute que personne ne réussira jamais à polir. Sans règle et sans limite, elle est la vie à l'état pur et, malgré ses bizarreries, on se prend à l'aimer.
Un livre qui nous emporte loin des sentiers battus.

vendredi 4 janvier 2019

L'héritage d'Esther

Un bien joli petit roman du Hongrois Sandor Marai. Merci Nathalie !

Esther vit paisiblement, avec Nounou, dans une petite maison entourée d'un jardin fleuri et qui satisfait ses besoins. La vie s'écoule tranquillement, sans grande surprise voire avec monotonie - comme dans une parenthèse où l'on retient son souffle. Et c'est bien ça : l'arrivée de Lajos, éternel séducteur et escroc, vient bousculer l'équilibre précaire que les deux femmes vieillissantes ont construit pour ne pas se laisser envahir par les regrets du passé. On respire un grand coup et l'on plonge dans les abîmes de l'âme humaine.
Et ça tangue, et ça frémit et ça frissonne ! Dernier acte de la dépossession entamée par cet horrible bonhomme : déposséder Esther de sa maison, de son dernier bien. Comme dans une tragédie, on sait dès le début que cela se terminera mal pour notre sage Esther. Trop sage ? trop bête ? trop amoureuse peut-être.
Ce court roman nous dépeint donc la confrontation entre deux êtres, deux âmes si différentes mais si intimement liées. Dans le huis-clos de la petite bicoque, s'affrontent deux êtres qui ne jouent pas à égalité. Esther c'est l'éternelle perdante, celle à qui Lajos a tout pris, celle qui a été blessée dans son amour-propre lorsqu'il a épousé sa sœur, celle qu'il n'a jamais respectée. Lajos c'est le bellâtre, sans dignité, l'éternel menteur et hâbleur, l'égoïste suprême. Mais comment, dès lors, comprendre qu'Esther accepte cette ultime insulte ? C'est ce que Sandor Marai examine, sondant le fonds des âmes et des coeurs. Et même si l'on a envie qu'Esther s'oppose à sa famille qui n'en est pas une, on finit par comprendre son abdication totale. C'est parce qu'ils se sont aimés et que "la loi de ce monde veut que soit achevé ce qui a été commencé".
Poids du passé, cruauté, désillusion, trahison, autant de thèmes peu amènes qui sont mis en scène par l'auteur avec une intensité et un talent indéniables.