Permission de Céline Curiol est un roman étrange. Non pas tant par le contenu (une dystopie sur la place de la littérature) que par la forme.
Un homme a été embauché par L'Institution (sorte d'Onu), organisation internationale qui a pour but de préserver la paix sur la terre. Sa fonction consiste en la retranscription concise et précise des discours tenus par les délégués (point de place à la fantaisie !). Notre "résumain", parfaitement satisfaisait de son sort (il vit dans l'immeuble où il travaille, y trouve sur place cafétaria, bar, salles de détente) est convaincu de sa mission et fait le nécessaire pour s'en acquitter le plus parfaitement possible, appliquant à la lettre les consignes et le règlement. Jusqu'au jour où un voisin lui fait découvrir la littérature et lui fait comprendre qu'une autre langue, qu'un autre moyen d'expression existe que celui qui est prôné à l'intérieur des murs de l'Institution. Tout dérape, une faille s'ouvre en lui et il ne peut que changer, qu'évoluer malgré ses réticences. Mais à quel prix ?
Et c'est glaçant ! C'est glaçant de plonger au coeur d'une Institution opaque, de ne pas bien en comprendre tous les rouages, de sentir la surveillance permanente des autres (collègues, gardiens, personnel). Car le récit est assumé par le "résumain" dont on lit le Journal. Et c'est là peut-être que la bât blesse. Comment un homme rompu aux techniques d'écritures fades, objectives pourrait-il nous tenir en haleine pendant 250 pages ? L'auteur s'est enfermée dans un cadre contraignant, un carcan afin de nous faire ressentir de l'intérieur ce qui se joue dans son personnage. Et puis on aurait souhaité qu'elle développe davantage sur le pouvoir de la littérature et la force de celle-ci qui développe l'imagination, le culte de la langue, du mot, du beau.
Un peu déçue.