"Il faut cultiver notre jardin"

mercredi 27 septembre 2017

Chanson douce

Après avoir longtemps évité ce roman - sujet trash, pas envie de me coltiner un thème pareil - je décide finalement de le lire. Pourquoi ? Leïla Slimani, invitée sur le plateau de 28' pour parler de son dernier opus sur la situation des femmes au Maroc, m'apparaît comme une femme brillante, précise dans ses propos et intelligente. Passage à la bibliothèque, le livre est là, je l'emprunte. 
Et je plonge dans cette sordide histoire d'infanticide. Le début nous happe et ne nous laisse ni le temps de respirer ni le temps d'espérer. Louise est un monstre : elle a tué les enfants de Myriam et Paul, ces enfants qu'elle adorait et dont elle s'occupait à la perfection ! Mais pourquoi ? Retour en arrière et récit de ce qui aurait pu être un conte de fée moderne dans lequel Louise aurait renouvelée le rôle de Mary Poppins s'il n' y avait pas eu en elle des failles, si cette dépendance mutuelle qui s'installe entre le couple et la nounou n'avait pas été si forte.
Page après page, on voit Louise s'installer - s'immiscer ?- dans la vie de Myriam et Paul. Non seulement, elle s'occupe des enfants mais aussi de l'appartement, du linge, des repas ..... une véritable fée du logis , une perle ! "Jusqu'ici tout va bien", se surprend-on à penser en tournant les pages, en retenant parfois notre respiration. Mais c'est sans compter sur les petits signes qui se manifestent et qui rendent cette Louise intrigante, inquiétante. L'auteur distille adroitement tous les indices d'un trouble, d'un manque, d'un vide abyssal chez Louise. Impassible, imperméable aux remarques, violente parfois, exclusive ..... la toile se tisse et les mots peu à peu cristallisent jusqu'à la crise, jusqu'au geste ultime, horrible, atroce, geste d'une désespérée qui voudrait rester indispensable. 
D'une écriture quasi clinique, chirurgicale et efficace, Leïla Slimani ausculte le cas Louise, le dissèque pour essayer de nous permettre de comprendre la psychologie d'une infanticide. Elle brosse aussi le portrait d'une société moderne dans laquelle les mères ont souvent du mal à trouver un équilibre entre la famille et leur vie professionnelle.
Un ouvrage magistral et captivant !

jeudi 14 septembre 2017

De bonnes BD

La différence invisible est une superbe invitation au respect de l'autre et à l'acceptation de la différence. 
Marguerite a 27 ans, en apparence rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise et vit en couple. Elle aime les chats, le chocolat mais préfère le calme aux soirées bruyantes. Elle mène donc une vie normale. Pourtant, elle est différente.
Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée.
Julie Dachez se raconte sans fard et avec émotion. Elle évoque les difficultés à partir en week-end, à partager son lit, à trouver des vêtements tout doux, à réagir "comme il faut", ses rendez-vous médicaux et la lumière qui, peu à peu, se fait sur ce petit truc en plus qui la caractérise. 
Mademoiselle Caroline a su, avec finesse et légèreté, mettre en dessins ce parcours pesant et difficile.
A recommander chaudement !


Bleu pétrole de Gwenola Morizur et Fanny Montgermont est une bd subtile, touchante et émouvante. Récit d'une des plus fameuses marées noires sur les côtes bretonnes, cette bd est aussi un vibrant hommage au grand-père de la scénariste (Gwenola) subtilement mis en lignes et en couleurs par la dessinatrice. 
Retour sur la côte de Portsall, chère à mon coeur, indignation contre les compagnies pétrolières et admiration pour cet Alphonse Arzel devenu, malgré lui, un chevalier écolo avant l'heure. Une lecture touchante ! 


N'oublions pas le très beau Une soeur de Bastien Vivès ou quand les vacances d'été se transforment en un éveil des sens, et un affranchissement de certaines règles. Antoine, 13 ans, est en vacances en famille dans une maison en bord de mer. Il dessine, chasse le crabe avec son petit frère ,Titi, savoure un été sans histoire, jusqu'à ce que débarque Hélène, 16 ans, qui vient passer quelques jours avec sa mère.. Les deux ados vont s'apprivoiser, se trouver et savourer chaque instant de leur semaine partagée. Certes, l'éveil amoureux est au centre de l'album mais l'auteur peint aussi avec douceur et sensibilité le paysage adolescent : réseaux sociaux, sorties nocturnes et virées avec les copains, les premiers interdits (alcool, drogue). C'est beau et très sensible. @ lire ! 

dimanche 10 septembre 2017

Un livre à mettre entre toutes les mains

Si j'étais ministre de la culture de Carole Fréchette et Thierry Dedieu est un magnifique plaidoyer pour la culture. Album pour enfants de 7 à 77 ans ! 
Ou comment une ministre de la culture trouve des arguments imparables pour convaincre ses collègues qu'il est impensable d'effectuer des coupes sombres dans son budget.
C'est vrai pouvons-nous imaginer une journée sans musiques, sans livres, sans tableaux, sans spectacles, sans oeuvres d'art dans la rue etc.....
Ou comment, très simplement, les auteurs nous rappellent que la culture c'est la vie ! 
La mnistre de la culture c'est la « ministre de l’équilibre des âmes, du battement des coeurs, de la respiration, ministre de l’oxygène »

mercredi 6 septembre 2017

Les bottes suédoises

Après les chaussures italiennes, passons aux bottes suédoises. 
C'est certain, le protagoniste principal va avoir besoin de bottes. En effet, lorsqu'on retrouve Fredrik Welin, le chirurgien orthopédiste des Chaussures italiennes, il se réveille, jaillit de son lit et sort in extremis de sa maison dévorée par les flammes. Tous les voisins arrivent pour essayer de lutter contre l'incendie mais c'est peine perdue. La maison de famille est carbonisée et il ne reste rien de la vie de Fredrik. 
Il décide de s'installer dans la caravane de sa fille Louise en attendant d'y voir plus clair et de pouvoir faire reconstruire sa maison. Une enquête criminelle démarre : il s'agit de déterminer les causes de l'incendie et, très vite, Fredrik se sent visé alors qu'il n'est en rien responsable ! Il essaye malgré tout de réorganiser sa vie, ce qui nous permet de faire connaissance avec son environnement, ses voisins, Jansson le facteur, Lisa la journaliste, les gens du village...... Tout ce petit monde évolue sur des ilôts disséminés dans la baltique, dans un climat rude et des paysages saisissants.
Si Fredrik n'est pas toujours très facile à suivre dans ses réactions, il n'en demeure pas moins attachant, surtout dans les doutes et les inquiétudes qui sourdent face à la mort et au temps qui passe, face à son rôle de père (qu'il a bien du mal à improviser face à une Louise qu'il n'a découvert que tardivement et qui a un fort caractère). Un beau roman qui nous embarque dans une ambiance nordique, pas morbide, et qui questionne les relations père-fille, le vieillissement, les sentiments et l'écoute de l'autre. 
Quand on sait que c'est le dernier roman de l'auteur, décédé en octobre 2015, on ne peut s'empêcher de relier le climat parfois crépusculaire aux réflexions de l'auteur et l'ultime phrase "Mais l'obscurité ne me faisait plus peur"résonne un peu comme un testament.