"Il faut cultiver notre jardin"

lundi 6 août 2018

Imaginer la pluie

Conseillée par ma bibliothécaire préférée, je ne peux que recommander la lecture de ce conte atemporel, sorte de Petit Prince moderne et un peu différent. Une jolie couverture au graphisme léger et élégant, un titre étonnant et une écriture sensible, les ingrédients sont réunis pour nous enchanter. 
Ionah a toujours vécu dans les dunes et le désert en compagnie de sa mère. Il est totalement vierge de tout contact avec la civilisation, avec les hommes organisés en société. Dans un coin perdu du désert, ils survivent près de leur puits grâce à un appentis qui les abrite des tempêtes de sable. Ils cultivent de très rares légumes et mangent des lézards, seule source de protéines. A perte de vue, le sable, le sable, le sable. « le sable. le sable à perte de vue. Dans toutes les directions. Et au milieu de ce néant qui n'est que sable, un petit puits, deux palmiers, un potager minuscule et un appentis. Et moi sur le toit, essayant d'imaginer la pluie. » 
Aucune compagnie humaine autre que cette micro-cellule familiale. Alors, la mère raconte le monde d'avant et fait de son fils le dépositaire de ses souvenirs. Elle évoque le goût du café fumant, l’arôme des fleurs, la rosée du matin sur les fougères, les notes d’un piano – mais aussi la haine, la cupidité et la guerre. Car c'est aux confins d'un monde détruit par une violence extrême qu'ils vivent ou plutôt qu'ils survivent. Pas de rose à soigner, pas de renard avec qui échanger, pas de planète à aimer.... . La mère apprend donc à son fils à se battre, à piéger les lézards, à ne pas accorder facilement sa confiance, à ne pas s'apitoyer sur son sort, à ne pas pleurer. Elle l'élève à la dure, à l'image de leur environnement, mais pas sans amour. Elle lui apprend aussi les mots, les chiffres, lui raconte des histoires.... À sa mort, son fils, terrassé par le silence, entreprend un long voyage pour revenir vers les hommes. Il va découvrir sa force, sa capacité à lutter mais aussi le plaisir d'échanger, de partager, d'aider, d'aimer.
Entre la fable et le conte, ce roman est un ouvrage sensible, écrit dans une langue très aérienne où chaque mot compte, comme les gouttes d'eau dans le désert. Un texte très puissant qui nous amène à réfléchir à notre rapport au monde, à ce qui fait l'essentiel dans nos vies mais aussi au pouvoir parfois néfaste de la civilisation. 
 "(...) Si j'avais quelque chose, je te le donnerais.
- Tu m'as donné ce que personne n'a jamais pu me donner, Ionah. Tu m'as donné une perspective. Tu m'as sauvé du désert et tu m'as donné tout le temps du monde pour penser à ce que j'ai fait et à ce que je veux faire. C'est plus que ce que possèdent la plupart des gens, tu peux me croire. Tu m'as aidé à réduire ma vie à l'essentiel. "(p. 116)
C'est aussi un roman sur la force de l'amour maternel qui a permis à la mère de Ionah de le sauver et de lui inculquer tout ce dont il a besoin pour survivre; d'ailleurs, des passages très forts lorsqu'il dialogue avec sa mère morte qui, pourtant, ne cesse de le guider tant qu'il en a besoin. 
A lire !

 

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