Au beau milieu des décombres d'une ville bombardée, martyrisée et meurtrie un îlot de résistance pacifique et littéraire subsiste malgré la faim, la peur et le manque de tout. Une quarantaine de jeunes gens, bien décidés à faire perdurer la réputation de leur ville natale a choisi de résister aux bombardements ignobles de Bachar Al-Assad et son régime autoritaire. De 2012 à 2016, la banlieue rebelle de Daraya a subi un siège inlassable de la part des troupes officielles, bien décidées à faire disparaître la population entière d'une ville. Bombardements, barils d'explosifs, attaques au gaz chimique, blocus radical empêchant tout ravitaillement, rien n'a été oublié mais le pilonnage systématique n'a pas entamé la détermination de ces jeunes qui ont décidé de construire une bibliothèque en récupérant, dans les décombres des maisons éventrées, tous les livres qu'ils trouvaient. Face à la violence aveugle la littérature, face à la violence les mots, face à la violence l'esprit. Tous leurs trésors exhumés de la poussière, ils les ont religieusement triés, inventoriés, rangés sur des étagères, et c'est dans une cave calfeutrée que les lecteurs peuvent venir se ressourcer au milieu de cet enfer.
Une troupe d'amoureux des livres contre les troupes armées du régime : Ahmad, Shadi, Hussam, Abou Malek et Ustez sont des résistants héroïques. Pas forcément amateurs de livres avant la guerre, ils le sont devenus et c'est comme s'il y avait eu une urgence viscérale, un besoin profond d'opposer à la barbarie et à la domination politique et religieuse une autre voie, celle des mots, celle de l'esprit, celle de la raison. La
lecture d'un ouvrage en appelle un autre, ils ont même recours à
l'impression de certains textes, les téléchargent et d'aucuns les emportent
parfois avec eux sur leur portable ou dans leur poche au front lorsqu'ils s'en vont défendre leur ville.
A nous Européens lovés dans notre confort, le rapport aux mots semble évident mais là-bas, dans les décombres de Daraya il est un acte de résistance absolue.
Cet ouvrage, né des échanges par skype et what's app entre Delphine Minoui avec ces insoumis, est un véritable coup de poing mais, surtout, une ode à la littérature et à son pouvoir, un rappel de la nécessité de lire, de réfléchir et de partager ses idées pour ne pas se laisser dicter ses décisions.
En Syrie, il n'y a pas qu'un dictateur ignoble à Damas et Daech, il y a aussi des hommes qui nous rappellent avec un courage absolu que la liberté individuelle, la tolérance et l'exercice de la raison sont essentiels à l'homme.
Chapeau bas Mme Minoui et merci !
Quelques citations :
"Des heures durant, il évoque en détail ce projet de sauvetage du
patrimoine culturel, né sur les cendres d'une cité insoumise. Puis il me
parle des bombardements incessants. Des ventres qui se vident. Des
soupes de feuilles pour conjurer la faim. Et de toutes ses lectures
effrénées pour se nourrir l'esprit. Face aux bombes, la bibliothèque est
leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive."
"Avant l'inauguration restait une dernière tâche à remplir : numéroter
minutieusement chaque recueil et y apposer le nom de son propriétaire
sur la première page. (...) Notre but, c'est que chacun puisse récupérer
ce qui lui appartient une fois la guerre terminée, insiste Ahmad.
A ses mots, j'ai posé mon crayon. Impressionnée par son civisme. Muette devant un tel sens du respect de l'autre.
Des autres. Nuit et jour, ces jeunes côtoient la mort. La plupart d'entre eux ont tout perdu : leur demeure, leurs amis, leurs parents."
A ses mots, j'ai posé mon crayon. Impressionnée par son civisme. Muette devant un tel sens du respect de l'autre.
Des autres. Nuit et jour, ces jeunes côtoient la mort. La plupart d'entre eux ont tout perdu : leur demeure, leurs amis, leurs parents."
Quelques heures après les attentats du Bataclan, Delphine Minoui reçoit un message :
"Ahmad vit sous une pluie de bombes.Il a perdu tant d'amis, n'a pas vu
sa famille depuis quatre ans. A Daraya, son quotidien est une montagne
d'urgences. Il a pourtant pris le temps de rédiger ce message, de
partager sa compassion.
Un terroriste ne s'excuse pas.
Un terroriste ne pleure pas les morts.
Un terroriste ne cite pas - Amélie Poulain- et Victor Hugo"
Un terroriste ne s'excuse pas.
Un terroriste ne pleure pas les morts.
Un terroriste ne cite pas - Amélie Poulain- et Victor Hugo"
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