"Il faut cultiver notre jardin"

lundi 8 juin 2020

Les terres du bout du monde : à la recherche de l'Eldorado

Jorge Amado est un grand conteur. Son roman Les terres du bout du monde nous embarque au sud de Bahia.

La sirène retentit et nous sommes déjà montés à bord. Sur le navire, un monde interlope de gens bien décidés à tenter leur chance sur les riches terres où l'on plante du cacao. Tous cherchent leur Elodrado et cultivent l'espoir de faire fortune grâce aux cacaoyers. En route donc vers la région à demi barbare d'Ilhéus, au sud de Bahia. Le capitaine Joao Magalhaes, Margot, Juca Badaro, Antonio Vitor et bien d'autres encore sont du voyage. Une chanson les accompagne, triste comme un présage de malheur, qui dit qu'ils ne reviendront jamais parce que, là-bas, la mort les attend derrière chaque arbre. 
Là-bas, c'est toute une faune qui s'agite et particulièrement ceux que l'on appelle les fazendeiros - planteurs de cacao des terres du bout du monde.Une dizaine d'entre eux s'est arrogé la plus grande part des terres cultivées et n'ont de cesse de vouloir s'enrichir toujours plus en gagnant sur les impénétrables forêts de cette immense contrée bordée par l'Océan. 
L'ouvrage est le récit des sanglantes rivalités qui opposent entre ces Colonels, dans leur lutte pour la conquête sauvage de terrains vierges à défricher : aucun état d'âme face à la violence, aucune sensiblerie n'est tolérée, seule les guide la soif de profits toujours plus grands. Amado nous embarque donc dans un véritable western, où les règlements de comptes se font à gogo. Tueurs à gages, avocats retors, journalistes sans états d'âme, politiciens corrompus sont à la botte de ces grands propriétaires terriens qui la plupart du temps sont de connivence. Sans oublier des intrigues amoureuses qui font s'alterner les péripéties mettant en scène des personnages au caractère bien trempé. 
A Ilhéus règne sans partage la loi du plus fort.

dimanche 7 juin 2020

La Vraie vie

Un roman coup de poing qui se lit d'une traite.

C’est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Dans leur maison, il y a quatre chambres. La sienne, celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père chasse le gros gibier. La mère, elle, est falote, discrète et soumise aux humeurs de son mari. Le samedi elle et son frère jouent dans les carcasses de voitures de la décharge, parfois ils rendent visite à une voisine fantasque et, surtout, ils guette le passage du glacier et son arrivée en fanfare, symboles de joie et de plaisirs sucrés. Jusqu’au jour où un violent accident se produit. Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière, retrouver son frère d'avant. Comment remonter le temps ? Elle se plonge dans les sciences, dans les livres, bien décidée à prendre les choses en main. Elle esquive les coups du sort, les coups tout court, résiste, croyant fermement que l'on peut tenter de contrôler les événements.

Têtue et touchante, elle survit en milieu hostile; intelligente et ingénue elle grandit et se découvre à elle-même et aux autres. Passionnée par Marie Curie et par la physique quantique, elle se lie d'amitié avec son professeur de sciences physiques, Monsieur Young, qui a compris que cette jeune fille pourrait échapper à sa destinée malheureuse et presque fatale, pour peu qu'on l'aide. Et puis il y a aussi Plume et Le Champion...

Une sacrée petite bonne femme dont a envie qu'elle résiste et se tire d'une situation familiale sordide qui lui coupe les ailes. Des personnages attachants, campés avec précision et justesse. Un roman qui évoque la question de la culpabilité, les parents toxiques, la naissance du désir, l'envie de sauver ceux qu'on aime, avec un brin d'humour et beaucoup de finesse sans avoir recours aux poncifs habituels.