"Il faut cultiver notre jardin"

lundi 31 juillet 2017

L'amie prodigieuse

Enfin je plonge dans le roman dont tout le monde parle ! Fin des années 50, Naples, quartier populaire, une amitié passionnée : L'Amie prodigieuse d'Elena Ferrante.

Raffaella Cerullo, alias Lina, et Elena Greco, alias Lenu, s'apprivoisent peu à peu et deviennent amies. Elles passent beaucoup de temps ensemble et partagent poupées, discussions, balades, bêtises..... Douées pour les études, elles rivalisent sans cesse, saine émulation : calcul mental, résolution de problèmes, lecture..... . Mais c'est toujours Lina qui a le dessus, on pourrait même dire l'ascendant. La petite noiraude, maigre, au visage peu amène exerce sur les autres, et particulièrement sur Lenu, une véritable attraction. Elle provoque, incite à lire, à agir, à repousser les limites... sans elle, la narratrice n'aurait pas forgé sa personnalité. Surdouée, Lina cessera néanmoins ses études quand Lenu, poussée par leur institutrice, ira au collège puis au lycée. Et même sans suivre son amie, prodigieuse, Lina réussira à apprendre le latin et le grec en les maîtrisant mieux que son amie ! Bien décidée à s'en sortir et à gagner de l'argent, malgré le fait d'être coincée dans la cordonnerie familiale avec son père et son frère, Lina voit les choses en grand. Elle se verrait bien ouvrir un magasin de chaussures sur mesure. Douée, elle emporte l'adhésion de son frère Rino grâce à ses dessins et ils se lancent dans la confection d'une paire - en cachette de leur père, bien sûr ! Pendant ce temps, la narratrice grandit, s'arrondit, accumule les lectures et les devoirs et peine à trouver sa place auprès de son amie. D'autant que si ses joues se couvrent d'acné et ses yeux se cachent derrière des lunettes, Lina, elle, flamboyante, grandit, s'élance et devient une superbe jeune femme qui règne en maître sur tous les garçons du quartier. Et bientôt, sans jamais oublier son arrogance, sa fougue et son esprit rebelle, Lina va rentrer dans le monde des adultes en se mariant quand son amie se retrouve cantonnée dans celui des adolescents, toujours en quête d'absolu, de l'amour sublime. Certes le marié parle le dialecte, n'a ni l'intelligence ni la fulgurance de Lina mais il a le sens des affaires, l'esprit d'entreprise et, pour elle, il est la voie du salut et lui offre le confort. Les chemins des deux amies vont-ils s'éloigner ?
Il faut avouer que, dans les 40 premières pages, je me suis demandée ce qui faisait le succès du roman mais, bien vite, une fois les personnages apprivoisés, je me suis laissée entraîner dans cette chronique sociale et familiale, dans cette vie de quartier animé voire agité. On y découvre la vie de familles populaires : des pères violents, des époux tyranniques, des jeunes qui veulent se sortir de là, les rivalités de gangs. L'arrière-plan politique est bien esquissé : la montée du parti communiste, la Camorra.... Des personnages hauts en couleurs, tels Donato Sarratore, le cheminot-poète - et aussi prédateur à ses heures, Pasquale le maçon communiste, Nino l'intellectuel inaccessible, Antonio le mécanicien courageux, les frères Solara, futurs maffiosi et nouveaux petits chefs du quartier...La ville de Naples vibre, les personnages et nous aussi. Un beau roman d'apprentissage, lumineux et vrai.

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