"Il faut cultiver notre jardin"

dimanche 29 octobre 2017

La femme qui fuit

Dans cet ouvrage, Anaïs Barbeau-Lavallette explore le territoire inconnu qu'est sa grand-mère. 
En effet, celle-ci a abandonné ses enfants, Mousse et François, en bas âge et n'a jamais rien fait pour renouer les liens avec eux (sauf contrainte par une visite quasi inopinée). Mais pourquoi ? mais comment peut-on faire une chose pareille ? Par peur de la misère ? parce qu'elle n'y arrivait plus ? parce que ce n'était pas la vie qu'elle voulait ?  parce qu'elle ne voulait se faire enfermer dans aucun carcan ?
C'est pour comprendre tout cela, pour comprendre et panser/penser le désarroi de sa mère que l'auteur se met sur la piste de "celle qui fuit", de "celle qui a toujours fui". Détective privé, archives familiales, photos, témoignages.... tels furent les matériaux qui ont nourri son écriture. Et cela donne un beau portrait de cette femme méconnue pour sa famille et méconnue de nous français, puisque Suzanne Méloche est une jeune Québécoise qui croque à pleines dents la vie des années 40 jusqu'au début du XXIè siècle. Brillante, elle remporte un concours oratoire sur Claude Gauvreau qui deviendra un ami et un guide. Elle va, dès lors, cultiver son amour des mots et écrire de la poésie, participer à des conversations pour refaire le monde, fréquente des artistes (peintres, poètes, ateurs, comédiens....), participe à des soirées enfumées où l'on jongle avec les mots et les idées. Elle va même rejoindre les artistes du Refus Global qui ne pouvaient accepter une société vivant dans le passé. Ecriture automatique, surréalisme, nouvelles formes d'expression... elle embrasse tout, elle essaye tout.
Vient le mariage avec Barbeau, de beaux moments et un amour fou. Puis les enfants, une situation plus précaire, et le difficile équilibre entre des vies d'artistes et une vie de parents...
Il n'y a, chez l'auteur, aucun apitoiement, elle nous conte la vérité crue, la vie brute d'une femme qui, devenue mère, na pas pu se résoudre à le rester. Cette femme qu'elle n'a pas connue, elle l'a rencontrée, pour essayer de la comprendre et l'on peut imaginer que, sans qu'il ne soit jamais question de pardon, coucher la vie de cette absente sur le papier lui a, au moins, permis d'essayer de la comprendre.
Un très beau livre porté par une écriture assez nerveuse et efficace.


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