Le dernier opus de Jeanne Bénameur est d'une poésie absolue. Phrases ciselées, mots suspendus et qui s’enchaînent comme des perles d'un collier précieux, on les savoure ligne après ligne. Quitte à les relire pour s'assurer que l'on a goûté à la quintessence du langage.
L'auteur nous raconte l'histoire de trois personnes qui, séparément, tentent de reconstruire un semblant de vie autour d'une femme disparue.
Il y a d'abord l'enfant qui se réfugie dans la nature pour apprivoiser le départ de sa mère : véritable refuge, la forêt le ramène à celle qui est partie, par les bruits, les odeurs, les images et son mystère. Toujours flanqué d'un chien invisible, compagnon d'infortune qui le rassure, l'enfant apprend à maîtriser l'absence, découvre son environnement et se réfugie dans son monde intérieur, peuplé par le langage de sa mère. Temps suspendu, monde imaginaire toujours plus acceptable que le monde ordinaire, rugueux et âpre.
Deux autres personnages entrent dans la danse : le père, menuisier de son état, qui a bien du mal, lui aussi, à comprendre le départ de sa belle. Douleur qui s'exprime parfois violemment, cris, désespoir qu'il noie dans l'alcool. C'est au bord de la rivière que cet homme va essayer de se délivrer du souvenir, de l'emprise que l'absente a encore sur son corps. Grand moment de dénuement et de prise de conscience.
Quant à la grand-mère, elle oeuvre pour nourrir ce petit monde et, discrète, assume sa tâche nourricière. Dans sa tournée des fermes voisines, elle remet ses pas dans des chemins fréquentés il y a longtemps et, au présent se juxtapose (voire s'impose) le passé. Reflux de souvenirs, bribes d'événements tus, honteux et dissimulés, elle se fait envahir par ce qu'elle pensait oublié. Cruelle remontée à la surface.
Ces trois histoire imbriquées et qui se font écho tentent de dessiner la silhouette de cette femme clé et mystérieuse, de mettre des mots sur un départ, de comprendre le geste.... et, dans les dernières pages, l'on comprend que la poésie permet à l'auteur d'interroger son histoire mais aussi la nôtre. La vie n'est-elle pas, en effet, qu'une succession d'abandons, de fuites, de prises de conscience ?
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