"Il faut cultiver notre jardin"

vendredi 4 janvier 2019

L'héritage d'Esther

Un bien joli petit roman du Hongrois Sandor Marai. Merci Nathalie !

Esther vit paisiblement, avec Nounou, dans une petite maison entourée d'un jardin fleuri et qui satisfait ses besoins. La vie s'écoule tranquillement, sans grande surprise voire avec monotonie - comme dans une parenthèse où l'on retient son souffle. Et c'est bien ça : l'arrivée de Lajos, éternel séducteur et escroc, vient bousculer l'équilibre précaire que les deux femmes vieillissantes ont construit pour ne pas se laisser envahir par les regrets du passé. On respire un grand coup et l'on plonge dans les abîmes de l'âme humaine.
Et ça tangue, et ça frémit et ça frissonne ! Dernier acte de la dépossession entamée par cet horrible bonhomme : déposséder Esther de sa maison, de son dernier bien. Comme dans une tragédie, on sait dès le début que cela se terminera mal pour notre sage Esther. Trop sage ? trop bête ? trop amoureuse peut-être.
Ce court roman nous dépeint donc la confrontation entre deux êtres, deux âmes si différentes mais si intimement liées. Dans le huis-clos de la petite bicoque, s'affrontent deux êtres qui ne jouent pas à égalité. Esther c'est l'éternelle perdante, celle à qui Lajos a tout pris, celle qui a été blessée dans son amour-propre lorsqu'il a épousé sa sœur, celle qu'il n'a jamais respectée. Lajos c'est le bellâtre, sans dignité, l'éternel menteur et hâbleur, l'égoïste suprême. Mais comment, dès lors, comprendre qu'Esther accepte cette ultime insulte ? C'est ce que Sandor Marai examine, sondant le fonds des âmes et des coeurs. Et même si l'on a envie qu'Esther s'oppose à sa famille qui n'en est pas une, on finit par comprendre son abdication totale. C'est parce qu'ils se sont aimés et que "la loi de ce monde veut que soit achevé ce qui a été commencé".
Poids du passé, cruauté, désillusion, trahison, autant de thèmes peu amènes qui sont mis en scène par l'auteur avec une intensité et un talent indéniables. 

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