D'accord,
on retrouve le principe d'alternance de points de vue entre les
personnages mais- joie !- ces points de vue alterne à
l'intérieur d'un même chapitre ! Ce qui permet de juxtaposer
avec force les ressentis des personnages et, ainsi, de donner de la
profondeur aux événements vécus.
Sophie, adolescente gothique de
quinze ans, part avec son père Rich faire un trek en Tasmanie pour
une semaine. Jusqu'alors, rien d'étonnant ! Sauf que Rich, elle
ne le connaît pas puisqu'il est parti à sa naissance. Cette
randonnée, qu'il a organisée, sera, pour eux, un moyen de mieux se
connaître, de faire connaissance. Cela n'est pas, bien sûr, sans
soucier Sandy qui a élevé Sophie seule et voit d'un bien mauvais
œil cet homme qu'elle a rayé de sa vie se rapprocher de sa fille.
Voilà pour les protagonistes et ce triangle familial. Précisons que
Sandy cultive son passé d'activiste en fabriquant des bijoux
ethniques has been, en brûlant de l'encens dans son brûle-parfum et
en refaisant le monde sans hommes avec ses copines aussi hippies
qu'elle. Quant à Rich, il cultive son look d'aventurier, courageux
et cool quand il aurait bien besoin de regarder avec lucidité sa
vie, sa manière de faire des choix (ou de leur tourner le dos en
prenant la poudre d'escampette) et sa recherche du cliché qui fera-
enfin!-de lui un photographe reconnu mondialement. Bref, Sophie est
peut-être la plus mâture dans la famille et, d'ailleurs, elle le
montrera tout au long du parcours puisqu'elle s'est préparé avec
beaucoup de sérieux (davantage que son père). Elle est ravie de ce
trek qui va lui permettre d'échapper à l'amour envahissant de sa
mère et de faire connaissance avec ce père sur lequel elle a
projeté plein d'images. Distance et proximité, deux maîtres mots
du roman. Pendant que Rich et Sophie s'engagent sur le chemin en
compagnie de nombreux autres randonneurs, Sandy part en retraite
spirituelle : mouvement et immobilisme, conversations à deux et
conversation intérieure... Autant de contrepoints intéressants qui
vont nous permettre de mieux cerner les protagonistes et de
comprendre ce qui les rapproche et ce qui les éloigne à la fois.
Désireux
de sortir des sentiers battus et de se retrouver seul avec Sophie,
Rich décide, un jour avant la fin de la randonnée, de s'aventurer,
avec l'assentiment de sa fille, sur une portion plus sauvage du
parcours. Il est blessé (une pauvre ampoule due à ses chaussures
neuves – erreur de débutant), fatigué et sans boussole. Fort de
l'image de baroudeur qu'il cultive il fait fi des avertissements et
les entraîne vers ce que l'on appelle « le labyrinthe ».
Et le mauvais temps s'en mêle ! Ils se retrouvent perdus, dans
le brouillard et doivent puiser dans leurs dernières forces pour
attendre les secours.
Un
très bon roman qui nous emmène dans les tréfonds de l'âme humaine
et dresse une belle cartographie des « contrées sauvages »
des différents personnages. Les
dangers que Rich fait courir à sa fille auront permis aux parents
et à leur fille de voir se cristalliser leurs sentiments, de faire
le tri dans leurs ressentis. Amour, haine, admiration, affection,
agacement, distance et rapprochement....tout cela forme un véritable
cocktail explosif mais, au final, bien mélangés, ils permettent
aussi d'accéder à davantage de compréhension mutuelle et de
sérénité.
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