"Il faut cultiver notre jardin"

mardi 26 juillet 2016

Nos contrées sauvages de Cate Kennedy


D'accord, on retrouve le principe d'alternance de points de vue entre les personnages mais- joie !- ces points de vue alterne à l'intérieur d'un même chapitre ! Ce qui permet de juxtaposer avec force les ressentis des personnages et, ainsi, de donner de la profondeur aux événements vécus. 
Sophie, adolescente gothique de quinze ans, part avec son père Rich faire un trek en Tasmanie pour une semaine. Jusqu'alors, rien d'étonnant ! Sauf que Rich, elle ne le connaît pas puisqu'il est parti à sa naissance. Cette randonnée, qu'il a organisée, sera, pour eux, un moyen de mieux se connaître, de faire connaissance. Cela n'est pas, bien sûr, sans soucier Sandy qui a élevé Sophie seule et voit d'un bien mauvais œil cet homme qu'elle a rayé de sa vie se rapprocher de sa fille. Voilà pour les protagonistes et ce triangle familial. Précisons que Sandy cultive son passé d'activiste en fabriquant des bijoux ethniques has been, en brûlant de l'encens dans son brûle-parfum et en refaisant le monde sans hommes avec ses copines aussi hippies qu'elle. Quant à Rich, il cultive son look d'aventurier, courageux et cool quand il aurait bien besoin de regarder avec lucidité sa vie, sa manière de faire des choix (ou de leur tourner le dos en prenant la poudre d'escampette) et sa recherche du cliché qui fera- enfin!-de lui un photographe reconnu mondialement. Bref, Sophie est peut-être la plus mâture dans la famille et, d'ailleurs, elle le montrera tout au long du parcours puisqu'elle s'est préparé avec beaucoup de sérieux (davantage que son père). Elle est ravie de ce trek qui va lui permettre d'échapper à l'amour envahissant de sa mère et de faire connaissance avec ce père sur lequel elle a projeté plein d'images. Distance et proximité, deux maîtres mots du roman. Pendant que Rich et Sophie s'engagent sur le chemin en compagnie de nombreux autres randonneurs, Sandy part en retraite spirituelle : mouvement et immobilisme, conversations à deux et conversation intérieure... Autant de contrepoints intéressants qui vont nous permettre de mieux cerner les protagonistes et de comprendre ce qui les rapproche et ce qui les éloigne à la fois.
Désireux de sortir des sentiers battus et de se retrouver seul avec Sophie, Rich décide, un jour avant la fin de la randonnée, de s'aventurer, avec l'assentiment de sa fille, sur une portion plus sauvage du parcours. Il est blessé (une pauvre ampoule due à ses chaussures neuves – erreur de débutant), fatigué et sans boussole. Fort de l'image de baroudeur qu'il cultive il fait fi des avertissements et les entraîne vers ce que l'on appelle « le labyrinthe ». Et le mauvais temps s'en mêle ! Ils se retrouvent perdus, dans le brouillard et doivent puiser dans leurs dernières forces pour attendre les secours.
Un très bon roman qui nous emmène dans les tréfonds de l'âme humaine et dresse une belle cartographie des « contrées sauvages » des différents personnages. Les dangers que Rich fait courir à sa fille auront permis aux parents et à leur fille de voir se cristalliser leurs sentiments, de faire le tri dans leurs ressentis. Amour, haine, admiration, affection, agacement, distance et rapprochement....tout cela forme un véritable cocktail explosif mais, au final, bien mélangés, ils permettent aussi d'accéder à davantage de compréhension mutuelle et de sérénité.

Aucun commentaire: