"Il faut cultiver notre jardin"

mardi 14 avril 2020

Dévorer le ciel

Dernier opus de Paolo Giordano dont j'avais adoré La solitude des nombres premiers, Dévorer le ciel m'attendait sagement sur mes étagères. Et je ne suis nullement déçue par ce roman.
Italie, Les Pouilles, l'été, adolescence, premiers émois amoureux..... résumé comme ceci, pas sûr de tomber dans le meilleur roman qui soit. Encore une bluette m'allez vous dire ? et bien non !
Il faut tout le talent et toute la sensibilité de l'auteur pour nous emporter dans les aventures de Teresa et de "ceux de la ferme", "les trois frères"Nicola, Bern et Tommaso. Aventures qui nous mèneront jusqu'en Islande.....

Alors qu'elle est en vacances chez sa grand-mère, dans les Pouilles, une nuit, Teresa voit par la fenêtre de sa chambre trois garçons se baigner nus dans la piscine de la villa. Jeunes, purs et vibrants de désirs, ces trois garçons incarnent la liberté, la force et l'audace. Tout ce qu'il faut pour attirer Teresa, jeune adolescente sage. En emboîtant les pas des garçons, elle va donc découvrir un univers jusque là inconnu d'elle : une ferme, la nature, les cultures, un chêne vert, la religion omniprésente de Cesare un peu gourou mais, surtout, l'amitié, la fraternité et le partage de moments purs, tout cela sous l'incandescence du soleil italien. 
Les étés s'enchaînent, l'attente et les retrouvailles jusqu'à un événement qui marque le coup d'arrêt de cette intimité et cette proximité. Teresa retourne à Turin et ses études jusqu'à ce que sa route rencontre de nouveau celle de Bern qui a rejoint un groupe d'activistes qui squatte la ferme. Idéalistes, engagés pour un meilleur monde, à la recherche d'une agriculture respectueuse de la terre, ils ne cessent d'expérimenter pour construire un avenir plus en accord avec leurs valeurs. Permaculture, food forest, maltraitance animale... autant de préoccupations qui font écho au monde qui est le nôtre. Teresa va les rejoindre : désireuse de couper avec sa famille, désireuse de sortir de sa vie monotone et de donner un sens à son existence et surtout désireuse de retrouver Bern, son amour fou. Peu à peu, elle s'intègre au groupe, la ferme et ses projets se développent, l'harmonie règne en ces lieux jusqu'à ce que le groupe se fissure et se disloque. Ne restent alors que Teresa et Bern qui poursuivent l'utopie vaille que vaille, entretenant tels des vestales les valeurs et les principes qui les guident.
Paolo Giordano nous raconte sur deux décennies le passage de l'adolescence à l'âge adulte, des rêves fous aux désillusions douloureuses, le rêve d'une liberté absolue qui s'égratigne face aux contingences matérielles, mais aussi une belle histoire d'amour et d'amitié sans manichéisme aucun. Sans oublier la conviction donnée grâce à des valeurs chevillées au corps (de beaux passages du combat contre l'abattage des oliviers et le refus de laisser le capitalisme triompher).
Trois grandes parties, des allers-retours entre les époques pour combler les ellipses, les pièces du puzzle se mettent en place avec efficacité et légèreté. Teresa est la narratrice principale mais elle devra laisser la parole à Tommaso qui lui racontera certains épisodes qu'elle ignorait et qui l'éclaireront peut-être sur les êtres qu'elle aime, qui l'aideront à passer de la passion amoureuse à la solitude qui n'oublie rien.
Un roman qui nous happe, qui nous fait vibrer, et un adieu à la jeunesse qui n'est pas si pessimiste que cela malgré la rudesse de certains épisodes.
« Nous avons pour tâche de donner l'assaut au ciel. Nous devons dévorer le ciel. » 
Paolo Giordano est aussi physicien : il a écrit un essai sur la période que nous vivons. Cet ouvrage est accessible au bout de ce lien
https://fr.calameo.com/read/005979625d140008ddc18?authid=4PKPf5EqldpJ 

Aucun commentaire: