"Il faut cultiver notre jardin"

mercredi 15 avril 2020

Le ciel au dessus du Louvre

Une belle collaboration entre Bernar Yslaire et J.C. Carrière qui nous emporte au cœur de la terreur, dans l'atelier du grand peintre David et sur les traces d'un tableau jamais terminé.
Paris, 8 thermidor an 1 la Révolution est aux abois. De nombreuses révoltes agitent le pays, la famine énerve le peuple, la tension est montée d'un crane t le comité de salut public veille afin d'identifier les contre-révolutionnaires et de s'en débarrasser. Marat, ami du peuple, est assassiné par Charlotte Corday. Une aubaine pour le parti de Robespierre puisqu'il va devenir, sous les pinceaux de David, l'image même du martyr de la République.
Car c'est finalement le sujet de cet BD : comment représenter la Révolution ? dans quelles figures l'incarner ? Pour Robespierre, c'est évident, l'art va permettre d'offrir au peuple de nouvelles idoles : exit les saints et les figures bibliques, place aux exempla et aux figures qui incarnent le patriotisme et la vertu. " La République doit se défendre par les armes, mais aussi par les idées, par les images, par les symboles, par la beauté" déclare Robespierre pour notamment justifier la création de l'Etre suprême qui viserait à détrôner les idoles religieuses et incarnerait un idéal mystique dont le peuple a besoin. Paradoxe d'une Révolution qui déboulonne l'héritage (royal et clérical) mais qui se crée de nouveaux dieux.......
Découpée en 20 chapitres courts, comme pour instiller un rythme frénétique et retranscrire l'urgence vécue par les personnages (recherche pour David du meilleur modèle, de la meilleur idée, et urgence politique pour Robespierre qui se sent acculé de toutes parts), cette bande dessinée nous fait vivre un bref épisode de la Révolution ( d'août 1793 à la mort de Robespierre, juillet 1794).
De l'inauguration du musée du Louvre à la fête de l'Etre suprême, les scènes s'enchaînent rapidement. On passe du Musée à l'atelier de David, sans oublier la demeure de Robespierre et les discours à la Chambre. Il n'y a pas réellement d'intrigue narrative si ce n'est la question de l'aboutissement de tableaux et la recherche par David du meilleur modèle possible. Il le trouvera en la figure de Jules Stern, personnage blond et à l'accent slave qui va poser pour le portrait de Bara, jeune éphèbe de 13 ans, martyr de la République.
Ce qui fait l'intérêt de cette BD c'est cette plongée dans un moment intense et d'urgence parfaitement retranscrit par le rythme des planches mais aussi le trait et les alternances entre les dessins pleine page (de début de chapitres) et les esquisses nerveuses et efficaces. C'est aussi le plaisir que l'on a de repérer dans les vignettes nombre de tableaux célèbres reproduits par Yslaire : un joli cours d'histoire des arts en récit, belle idée. On redécouvre aussi le peintre David et la force de son trait, son travail intense sur la couleur et la célébration du corps masculin. Et on le surprend écartelé entre son art et son devoir, un brin opportuniste.

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