"Il faut cultiver notre jardin"

mardi 30 décembre 2014

Une famille heureuse

Dans la famille Copeland, vous avez les parents en pleine crise existentielle puisque Gordon, le père, jusqu'alors grandiloquent et prétentieux, se met à douter de ses capacités intellectuelles. Jean, la mère, est dévastée par le suicide de son amant et cherche à braver la tempête à coups de réunions d'entraides, de participation à un groupe religieux. Bref, côté parents, ce n'est pas très solide. Et les enfants ? Si le plus jeune, Otis, semble le plus normal de toute la tribu, il n'en demeure pas loin qu'il a des lubies (construire des grilles de mots croisés). De toute la famille, c'est certainement sa soeur, Priscilla - la bien nommée - qui est la plus insupportable ! Adolescent niaise, peu cultivée et essentiellement préoccupée par la TV réalité, les fringues et son apparence, elle se révèle d'un égoïsme crasse et d'une bêtise sans nom. Quant aux grands-parents (ils habitent tous ensemble), Théodore, le grand-père, perd gentiment la tête et la mémoire et Vivian, sa mère, est dotée d'un sacré caractère et peut être très blessante.
Un beau cocktail détonant ! Elizabeth Crane, s'amuse avec ses personnages et les confronte pour nous faire sentir leur évolution progressive. Ou comment, dans une famille où il n'y a pas de communication, les membres réussissent finalement, à force de travail sur soi et de réactions à des événements qui ne les auraient jusqu'alors pas atteints, à changer et à retrouver une capacité d'empathie. Un portrait décapant et parfois pathétique brossé avec pas mal d'ironie. Mais attention, c'est surtout un roman drôle et pas donneur de leçons.  C'est plaisant à lire.

lundi 29 décembre 2014

Les fatwas de Charb

Petit tour aux Champs libres et flânerie près des livres en présentoir. Je tombe sur Le Petit traité d'intolérance, tome II du dessinateur de Charlie Hebdo dont j'apprécie l'esprit caustique lorsqu'il saisit l'actualité pour 28'.
Départ en vacances et pause lecture de début d'après-midi : j'ouvre l'ouvrage.
Série de notules sur des faits qui agacent Charb (et moi aussi ! ) comme les vitres teintées des grosses cylindrées, le verbe "impacter", l'expression "au jour d'aujourd'hui", les multiplexes et autres fléaux de notre société moderne.
C'est souvent bien vu et plutôt juste mais un peu trop souvent vulgaire, c'est dommage. On aurait préféré plus de nuances, de finesse et de légèreté (peut-être que je préfère Desproges).

samedi 29 novembre 2014

Bizarre

Permission de Céline Curiol est un roman étrange. Non pas tant par le contenu (une dystopie sur la place de la littérature) que par la forme.
Un homme a été embauché par L'Institution (sorte d'Onu), organisation internationale qui a pour but de préserver la paix sur la terre. Sa fonction consiste en la retranscription concise et précise des discours tenus par les délégués (point de place à la fantaisie !). Notre "résumain", parfaitement satisfaisait de son sort (il vit dans l'immeuble où il travaille, y trouve sur place cafétaria, bar, salles de détente) est convaincu de sa mission et fait le nécessaire pour s'en acquitter le plus parfaitement possible, appliquant à la lettre les consignes et le règlement. Jusqu'au jour où un voisin lui fait découvrir la littérature et lui fait comprendre qu'une autre langue, qu'un autre moyen d'expression existe que celui qui est prôné à l'intérieur des murs de l'Institution. Tout dérape, une faille s'ouvre en lui et il ne peut que changer, qu'évoluer malgré ses réticences. Mais à quel prix ?
Et c'est glaçant ! C'est glaçant de plonger au coeur d'une Institution opaque, de ne pas bien en comprendre tous les rouages, de sentir la surveillance permanente des autres (collègues, gardiens, personnel). Car le récit est assumé par le "résumain" dont on lit le Journal. Et c'est là peut-être que la bât blesse. Comment un homme rompu aux techniques d'écritures fades, objectives pourrait-il nous tenir en haleine pendant 250 pages ? L'auteur s'est enfermée dans un cadre contraignant, un carcan afin de nous faire ressentir de l'intérieur ce qui se joue dans son personnage. Et puis on aurait souhaité qu'elle développe davantage sur le pouvoir de la littérature et la force de celle-ci qui développe l'imagination, le culte de la langue, du mot, du beau. 
Un peu déçue.

vendredi 28 novembre 2014

Le complexe d'Eden Bellwether

Ambiance oxfordienne, campus anglais fréquenté par des étudiants aisés, telle est l'ambiance dans laquelle Benjamin Wood installe son premier roman. 
Oscar Lowe est un aide-soignant dans une maison de retraite. Un soir, au détour d'une allée du campus, il se laisse guider voire happer par la musique qui s'échappe d'un orgue. Dans la chapelle, à l'écoute des chants et de l'instrument, il éprouve un sentiment d'extase qui le laisse étonné. A la sortie, il fait connaissance avec Iris, la soeur du jeune prodige qui a fait vibrer l'orgue dans l'édifice religieux. Ils échangent quelques mots et il se retrouve bien vite invité par cette belle et séduisante jeune fille.
Bientôt intégré au groupe qu'elle forme avec son frère et des amis de longue date, Oscar découvre l'amour (et ses tourments) mais aussi l'amitié et un milieu bourgeois où orgueil, suffisance et ambition cohabitent. Mais surtout, il découvre le virtuose et fantasque Eden Bellwether, passionné par la musique baroque et intimement convaincu de sa puissance hypnotique à tel point qu'il pense pouvoir la mettre au service de la médecine. C'est cette conviction profonde qui fait d'Eden un personnage dérangeant : il est le chef du groupe, une sorte de gourou sous la coupe duquel les autres acceptent de se livrer à des activités de plus en plus limites (hypnose et violence sur la personne d'Oscar pour mieux le soigner par la suite; traitement par hypnose d'une tumeur au cerveau...). Cette personnalité narcissique semble, au fil des pages, de plus en plus incontrôlable et dangereuse, désireuse de tester son pouvoir auto-déclarer quitte à en éprouver les limites et à  entraîner les autres dans sa chute.
De plus en plus perturbé par ce qui se trame dans la chapelle des Bellwether, Oscar en appelle à Herbert Crest, spécialiste incontesté des troubles de la personnalité. Un duel entre le spécialiste atteint d'une maladie incurable et qui le laisse exsangue et le virtuose narcissique va alors se jouer à la vie à la mort.
Un bon premier roman, où la tension est forte (et malheureusement instaurée des les premières pages dans  un prélude qui laisse inutilement présager le pire) et ne cesse de croître…
Une narration rondement menée ! 

mardi 25 novembre 2014

Edgar Morin

"Il n'y a pas de réponse intelligente à la question "qu'est ce que l'intelligence"."

dimanche 23 novembre 2014

Fabio Geda

J'avais beaucoup aimé La séquence exacte des gestes, j'ai donc sauté sur Le dernier été du siècle
Ce roman raconte l'histoire d'une famille, les non-dits, l'incompréhension qui peut naître entre deux êtres. Il raconte surtout la rencontre d'un petit-fils et d'un grand-père. Zeno dont le père est gravement malade se retrouve catapulté chez Simone, grand-père dont il ignorait l'existence ! Il va falloir s'apprivoiser.... Déjà la situation n'est pas facile pour Zeno qui rêverait d'être au chevet de son père pour le soutenir mais en plus il faut s'adapter aux manies du vieux monsieur, à ses silences, à sa solitude. Il y aura des hauts et des bas mais chacun y trouvera son compte.
L'auteur alterne les chapitres : retours sur l'histoire de Simone hanté par ses fantômes (son père, son frère, la traque des juifs pendant la guerre..) et récit assumé par Zeno (plus lumineux, à l'écoute des sons et des couleurs et de chaque moment vécu). Il fait vivre sous nos yeux un petit village du Piémont où la chaleur estivale est écrasante, où forcément on trouve sur le banc de la place trois papys, un lac où se baigner et des copains avec qui passer ses journées .....Des personnages attachants par leur gentillesse, leur fragilité et l'intelligence avec laquelle ils s'apportent l'un l'autre sans aucune démonstration ce dont ils ont besoin : une raison d'exister pour l'un et un moyen de comprendre d'où l'on vient pour l'autre.
Pas mal du tout.

samedi 1 novembre 2014

Le Royaume

On en entend parler depuis septembre, j'ai donc attendu les vacances pour attaquer cette somme.
ET ? Certes, l'écriture est belle, certes le travail de recherches colossal, certes l'engagement de l'auteur total. Mais quoi ? Mais, .... je ne sais pas, il y a un mais. 
J'ai appris plein de choses sur la vie de Paul, son enseignement mais aussi sur Luc qui ne connut pas Le Christ et qui broda ensuite à partir des récits recueillis. Les lettres de Paul et l'évangile de Luc deviennent de précieux documents sur la vie des premières communautés chrétiennes et sur la vie quotidienne autour de la Méditerranée que Paul et Luc ont parcourue sans cesse dans le milieu du premier siècle pour aller dispenser leur enseignement.
 Mais je pense que l'ouvrage aurait gagné à être densifié : il y a des longueurs, des digressions, des passages où on tourne en rond. Etait-il nécessaire de s'apesantir autant sur la crise de foi traversée par l'auteur (oui je sais, on va me dire que c'est pour valider sa posture) ?  Il se revendique enquêteur et auteur, il se représente surtout en train d'écrire. 
Carrère se fait plaisir c'est clair : qu'il n'oublie pas, néanmoins, le plaisir de son lecteur.
Déception et frustration.

mardi 21 octobre 2014

Enfant d'éléphants

Un fort jolie cadeau d'anniversaire que cet album délicatement illustré.
Prajna Chowta s'y raconte et évoque sa vie et celle de sa fille Ojas dans une forêt du Sud de l'Inde, parmi les éléphants. Cette histoire vraie est celle d'une femme décidée à abandonner la civilisation pour retrouver ses racines et sa culture. Désir de retourner à une vie simple, en harmonie avec la nature, de transmettre à son enfant des valeurs simples et essentielles. Tout cela est sublimé par les dessins sensibles de Stéphanie Ledoux.

Une belle invitation au voyage mais aussi une incitation à réfléchir à notre civilisation moderne et au poids que nos activités humaines font peser sur une nature sauvage et fragile.

http://www.babel-voyages.com/content/743-enfant-d-elephants-le-nouvel-ouvrage-signe-stephanie-ledoux

dimanche 19 octobre 2014

Passé imparfait

Julian Fellow, scénariste de Gosford Park et auteur de la fameuse série Downtown Abbey, nous ouvre grand les portes du milieu aristocratique anglais des années 68. Et oui, en cette période où les hippies, le rock, le swinging London encanaillent la jeunesse anglaise, les jeunes aristocrates parlent encore de partys, de saison des débutantes.... so british. 
Damian Baxter est un roturier qui a réussi, par le truchement du narrateur, à pénétrer ce milieu fermé et corseté par les règles. Le temps d'une saison on l'a cru/il s'est cru (?) intégré au monde aristocratique. Le voici au début du roman annonçant à son ancien ami - avec qui il est brouillé depuis de mystérieux événements survenus au Portugal en 1970- qu'il va mourir et souhaiterait retrouver un probable héritier à qui léguer son immense fortune. Commence alors pour le narrateur une enquête et une plongée dans le passé : il est amené à rencontrer successivement cinq des anciennes conquêtes de son ami.
C'est avec une ironie assez féroce, des jugements incisifs et sans concession que le narrateur dépeint la vie de cette classe sociale aristocratique hyper snob et codifiée où le naturel n'a guère sa place et où tout doit être pesé, calculé. Elle est d'autant plus pathétique cette aristocratie qu'elle a bien compris qu'elle était finie et les jeunes gens rivalisent entre eux non plus pour se séduire mais pour essayer de conserver leur rang par un mariage de choix. En témoignent la vision amère de certaines de ces jeunes femmes charmantes, sublimes et promises, semble-t-il, à des vies idylliques, qui, en réalité sont enfermées dans des vies mornes et tristes. 
Réjouissant !

mercredi 15 octobre 2014

Madame de J.M.Chevrier

Madame de La Villonière, baronne de La Terrade, n'a plus de ronflant que ses titres. Elle règne sur un domaine exsangue et en désuétude. 
Veuve (son mari est décédé dans un bête accident de barque) et seule (son fils Corentin est mort à 14 ans), elle tente de maintenir un semblant d'aisance et de tenue mais peine à entretenir le château qui tombe peu à peu dans le sommeil, faute d'entretien et d'habitants. Sa vieille servante, Alexandrine, lui est restée fidèle; quant à son frère, médecin, il a pris la poudre d'escampette. Elle même, fantasque et peu soignée a du mal à donner le change. Elle appartient à une autre époque: ses robes longues et sombres lui dessinent une silhouette inquiétante, elle promène sa Renault Frégate Grand Pavois 1956 sur les routes de la Creuse, chasse le ragondin, tue les poulets, fume des gauloises et consomme, parfois avec excès, de l'alcool, aime la littérature et les poèmes... Versatile, parfois mordante et dure, elle manifeste néanmoins un intérêt certain pour le petit Guillaume - presque 14 ans - fils des paysans qui lui louent une ferme. Elle aide le jeune garçon à faire ses devoirs, entend lui faire partager son amour de la littérature, le rebaptise Willy, lui offre parfois un goûter...... Mais pourquoi un tel intérêt ? Guillaume-Willy se trouve plutôt flatté de ces cours particuliers même si, parfois, il a du mal à saisir cette femme étrange. Jusqu'au jour où il va comprendre ses intentions....... Ou comment le passé laisse des traces indélébiles.....
Ce roman met en scène une femme qui pourrait être attachante si ce n'était la fêlure et le déséquilibre intérieur palpable à chaque page. Un quasi huis-clos et une narration qui fait monter le tension progressivement. Une belle écriture mais un résultat un peu décevant du fait de l'étrangeté de Madame et des rapports qu'elle entretient avec les autres.

http://www.telerama.fr/livres/madame,115803.php

mercredi 1 octobre 2014

Un beau programme !

"Objectif : faire sortir du monde objet que l'on consomme pour entrer dans un monde de projets que l'on construit "
Philippe Meirieu
http://www.ventscontraires.net/article.cfm/13667_philippe_meirieu___une_ecole_qui_libere_et_qui_unit_.html

samedi 27 septembre 2014

PLAY TIME : let's play !

    L'heure de l'ouverture de la Biennale a sonné !


RV à Rennes à la halle de La Courouze, au musée des Beaux arts et au FRAC pour découvrir les réponses que les artistes donnent à la question du rapport entre le jeu et le travail..... voire nous interrogent sur ceux-ci.

Quand l'ombre de Jacques Tati flotte sur la ville de Rennes......





mercredi 24 septembre 2014

Le confident

Hélène Grémillon signe avec Le Confident, son premier roman. Camille vient de perdre sa mère, est enceinte et a du mal à ne pas se laisser submerger par cet antagonisme vie/mort. Elle se trouve à un carrefour de son existence - perdre sa mère, donner la vie - d'autant qu'elle n'est pas certaine de vouloir/pouvoir être accompagnée par le père de cet enfant. Voici pour l'argument. Mais ce n'est pas là l'essentiel de la trame narrative. Au milieu des lettres de condoléances, elle en découvre une , étrange, mystérieuse, qu'elle soupçonne d'abord avoir été écrite par un auteur souhaitant se faire publier (elle travaille dans l'édition). Mais, bien vite, force est de constater que ce correspondant anonyme a bien des choses à lui apprendre sur sa vie, sur sa mère.... Commence alors une lecture qui se déroule comme un feuilleton : au fil des jours, les lettres dévoilent la vérité sur sa mère. Les chapitres du roman alternent alors entre les mots du correspondant qui s'appelle Louis et la vie de Camille. Puis l'auteur choisit de laisser le passé envahir le présent et fait entendre la voix de la mère - femme sublime, puissante, violente, déterminée et prête à tout même au pire. 
On s'immerge très vite dans ce roman même si sa construction emprunte à des schémas plus qu'éculées maintenant (la fameuse alternance de chapitres, oscillations entre passé et présent). On découvre, en même temps que Camille, ce qui a pu se jouer de terrible entre deux femmes dont l'une accepte de porter un enfant pour l'autre ainsi que l'histoire de deux amours impossibles. Louis, Annie, Paul, Elizabeth voici les noms de cette incroyable partie de cache-cache, de ce grand gâchis sentimental dans lequel Camille découvre la vérité de ses origines.
Un bon début puis, au milieu, quelques longueurs ou trop de complaisance à s'appesantir sur la noirceur d'Elizabeth et le sadisme de ses relations avec Annie. Peut-être aurait-on pu souhaiter que l'auteur utilise davantage le contexte historique. 
En tous les cas, un bon premier roman et un auteur à suivre.

mardi 23 septembre 2014

JEP2014

Quelques photos des journées du patrimoine : une belle réussite !





jeudi 18 septembre 2014

Journées du patrimoine

mardi 16 septembre 2014

L'homme qui aimait ma femme

J'avais adoré Etoiles de cet auteur qui nous transportait dans un univers simple, proche de la nature et empli de saveurs et d'odeurs. Lorsque j'ai aperçu ce titre sur les rayons de la bibliothèque, j'ai foncé dessus. Je dois avouer que j'ai été un peu déçue même si l'ouvrage est très agréable à lire. 
Maria est aimée par deux frères, Yann et Alexandre. De ce triangle amoureux, Simonetta Greggio tire une histoire simple et compliquée à la fois. Simple parce que, comme dans Jules et Jim, deux hommes se déchirent - sans vraiment se déchirer au début - pour une femme. Compliquée, parce que, le choix d'alterner les chapitres et les voix - pratique archi à la mode et qui devient démodée - n'apporte rien, voire ajoute parfois de la confusion narrative à la confusion des sentiments. En outre, les deux personnages des frères ne sont pas forcément attachants : l'un est un Dom Juan (peut-être pire que l'original dans sa gestion des relations avec la gent féminine) l'autre est un intellectuel qui cache ses doutes derrière une façade pleine d'assurance et hautaine. Au milieu, Maria n'est que la victime consentante du match qui oppose les deux frères. Elle est belle, ils sont beaux et intelligents mais l'on a parfois du mal à croire à leur histoire, sauf vers le milieu quand Yann et Alexandre semblent trouver l'un et l'autre la paix. Mais la tension entre eux n'est retombée que pour mieux remonter et l'histoire se clôt sur un drame.
Un texte qui demeure néanmoins agréable à lire mais qui laisse une impression mitigée car il est un peu disparate.

samedi 13 septembre 2014

Instantanés

On ne va pas se raconter d'histoires semble déclarer de manière péremptoire David Thomas dans son ouvrage du même titre. Et pourquoi pas ?
De courts billets qui cherchent  capter des moments fugitifs de la vie, des impressions, des sentiments.
C'est léger parfois moins, c'est drôle, absurde, sérieux aussi l'air de rien.
C'est bien écrit, plutôt ciselé et l'auteur maîtrise assez bien l'art de la chute.
A déguster en savourant les derniers rayons du soleil estival.

mercredi 13 août 2014

Sacrée Edith Wharton !


À  Starkfield, petite ville du Massachusetts, Ethan Frome vit dans sa ferme sous la houlette d'une femme capricieuse, hypocondriaque et mauvaise. Zenobia se croit atteinte de toutes sortes de maux et ne prend plaisir qu'à deux choses dans la vie : se préoccuper de sa petite personne et martyriser son entourage (son époux Ethan et sa cousine, Mattie). L'histoire se déroule dans un paysage glacial et enneigé, âpre, à l'image des tensions qui règnent dans la maison de Zenobia. A l'inverse, Ethan est un être doux, courageux et humble qui ne rechigne pas à la tâche, essaye tant bien que mal de faire marcher sa scierie et la ferme, notamment pour pourvoir aux achats intempestifs de médicaments onéreux destinés à soigner les maladies imaginaires de son épouse. Peu de plaisirs dans cette vie difficile si ce n'est les balades dans la nature, le plaisir des marches solitaires ou de ses promenades avec Mattie. La douceur et la sensibilité de la jeune femme adoucissent ses journées mais leur complicité discrète n'est pas sans susciter la jalousie de Zenobia qui s'avère redoutable....


Ce court roman est tout en tension et construit sur une analepse : dès les premières pages, on apprend, en effet, qu'Ethan Frome est une figure frappante de Starkfield par sa haute taille et son visage tragique. On sait donc qu'il lui est arrivé quelque chose et on redoute, à chaque page tournée, de découvrir la cruelle vérité. Car Edith Wharton se révèle experte en la matière pour faire monter la tension. Une oeuvre magistrale même si elle n'est guère optimiste.

http://www.franceinter.fr/emission-le-carrefour-de-la-culture-ethan-frome-dedith-wharton-nouvelle-traduction-chez-pol 

lundi 11 août 2014

Le sermon sur la chute de Rome

Eté 1918, une photo capture un moment de joie (de répit) après la guerre. Des années après, Marcel contemple les visages qui ne sont plus là et le cliché sur lequel il n'apparaît pas encore. Première image symbolique de ce qu'est la vie humaine qui passe, laisse des traces qui s'effacent inexorablement. 
De fils blessé, mari fataliste, Marcel est devenu père absent puis grand-père injuste. Mais c'est son petit-fils, Mathieu, dont on va suivre le parcours - à l'ombre de celui du grand-père et du père. Jérôme Ferrari nous entraîne donc dans le sillage de plusieurs générations et nous rappelle que les mondes crées par l'homme sont comme condamnés/voués à disparaître malgré leurs efforts, leur bonne volonté. Petitesse humaine ? fragilité terrestre ? orgueil démesuré ? A chacun d'y trouver sa réponse.
Dans un village corse perché dans les hauteurs, deux jeunes gens abandonnent leurs études (plutôt brillantes pour Libéro) de philosophie et décident de reprendre le bar local. Ils ont le sentiment qu'ils peuvent y créer le "meilleur des mondes possibles" et s'accomplir sur cette terre qu'ils sentent leur. Le projet prend forme, le bar revit, la vie y est douce et les esprits et les corps y trouvent leur repos. Insensiblement, pourtant, les choses se dérèglent : après l'akmé c'est la chute, c'est l'enfer ! Mathieu et Libéro ouvrent la boîte de Pandore et rien ne sera plus jamais comme avant.
Dans cet ouvrage (prix Goncourt 2012), Jérôme Ferrari nous invite - sans jamais s'ériger en donneur de leçons - à réfléchir à ce que sont nos rêves, nos projets de vie. Une très belle écriture qui nous porte du début à la fin d'un roman fort et puissant. Une histoire assez noire et pessimiste néanmoins.
Le Sermon sur la chute de Rome a été prononcé par saint Augustin, en 410, dans la cathédrale disparue d'Hippone, avec le message : « Le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt.»

vendredi 8 août 2014

Gwaz-Ru, l'homme rouge de Quimper

1920. Hervé Jaouenn nous entraîne dans les environs de Quimper sur les pas de Nicolas Scouarnec qui, après avoir quitté la campagne de Briec et son statut de journalier, s'engage comme manoeuvre pour devenir maçon. Il n'en peut plus d'être au service des nantis et entend gagner son autonomie. Il croit un temps aux discours communistes, se laisse embarquer au Parti mais n'en conserve pas moins sa liberté de penser et son esprit frondeur. Il va vite croiser la jolie Tréphine dont il tombe amoureux et avec qui il va fonder une famille. Courageux et travailleurs, ils ont la chance de croiser de bonnes fées, Mouerb et Yon, qui leur proposent de venir les aider à cultiver leurs terres en échange d'un hébergement. L'idée est de leur céder l'affaire quand le temps sera venu. C'est donc sur les hauteurs de Quimper et sur la route de Bénodet qu'ils vont trouver leur paradis (après le grenier glacial du centre). Gwaz-Ru abandonne la pierre pour revenir à la terre, refusant de se soumettre aux diktats contraires à ses valeurs. Gwaz Ru et les siens traversent tant bien que mal l'entre deux guerres, la guerre et l'épuration. 
Une histoire sympa (un peu gentillette) qui vaut pour les personnages truculents (à commencer par Gwaz Ru), la peinture des milieux communiste et nationaliste bretons mais aussi l'évocation de la résistance bretonne et des maquis.

mardi 5 août 2014

Un peu de mathématiques ?

Yannick Grannec signe, avec La déesse des petites victoires, son premier roman. Qui est cette déesse ? Adèle Gödel, veuve du célèbre mathématicien qui fut, notamment, ami avec Einstein. Pourquoi ce titre ? parce qu'il n'est pas donné à tout le monde de vivre avec un génie qui se consacre totalement à ses recherches, parfois aux dépens de sa propre personne et en mettant en danger sa santé. Il faut s'effacer, accepter les lubies, l'égoïsme, l'hypocondrie de l'autre, la folie, accepter de ne pas recevoir les marques d'affection que l'on souhaiterait recevoir. Mais c'est aussi parce que, vent debout, Adèle n'a cessé d'épauler son mari pour l'aider à braver les tempêtes et à traverser l'horreur nazie, les préjugés, le maccarthysme, les moments de doute.....
Le roman débute à Princeton en1980. Une jeune documentaliste à l'IAS (Institut de Recherche Avancée) se voit confier la tâche de récupérer les documents laissés par le grand mathématicien Kurt Gödel après sa mort. Mais cet héritage, si précieux pour la science, est entre les mains de sa veuve. Acariâtre, revêche Adèle n'entend pas si facilement céder ces papiers aux chercheurs. Il va falloir de la patience et du temps à Anna pour parvenir à ses fins. Elle gagne assez rapidement la confiance de la veuve, accepte de l'écouter et nous entraîne dans le sillage des plus grands mathématiciens du XX è siècle.
La construction du roman alterne les chapitres qui évoquent la vie d'Anna, célibataire qui se cherche et se laisse aller et qui a bien du mal à accepter qu'elle aime Léonard - ami d'enfance- et génie du cryptage et ceux qui laissent la parole à Adèle. Une amitié se tisse entre les deux femmes et des échos se font entre leurs deux vies. Le dialogue qu'elles nouent s'avère aussi important pour Adèle - que, pour une fois, on écoute - et pour Anna.
Un bon roman malgré quelques longueurs - notamment lors de la reconstitution de discussions mathématiques et philosophiques mais qui ont le mérite de redonner corps et vie à Einstein et d'autres grands scientifiques.


mercredi 30 juillet 2014

Comédie de moeurs grinçante

Après la saga Harry Potter, J.K.Rowling change de registre. Une place à prendre est un roman qui relève à la fois de la chronique de moeurs, du documentaire et de l'écriture réaliste. Le tout donne un résultat plutôt sombre mais toujours bien écrit.
Pagford est une petite ville anglaise, bien tranquille en apparence.... jusqu'au jour où un notable décède brutalement. Sa place au conseil paroissial est donc libre. Et là, c'est comme si les digues du savoir-être avaient lâché, les plus bas instincts vont se faire jour et les vraies figures peu à peu se révéler. En effet, toutes les manoeuvres sont bonnes pour parvenir à ses fins mais tous les protagonistes de ce drame ne poursuivent pas les mêmes objectifs, c'est dire la confusion, le bazar et les tensions qui vont surgir. Howard Mollisson est bien décidé à ce que son fils Miles remplace le défunt pour servir ses intérêts et l'honneur de sa famille; Simon Price, véritable bourreau familial, souhaiterait utiliser cette position pour se mettre de l'argent plein les poches; Colin Wall est prêt à tous les sacrifices pour reprendre le flambeau et poursuivre le combat de son ami à propos de la mixité sociale.....Les personnages féminins ne manquent pas, eux non plus, de travers, de petitesse que cela soit Ruth, femme d'Howard, véritable commère ou bien Samantha sa belle-fille qui n'en peut plus de cette vie étriquée. Parminder, médecin d'origine pakistanaise, est le fer de lance de l'opposition; elle admire ses deux aînés et méprise sa deuxième fille (Sukhvider) dyslexique et pas très jolie. Kay l'assistante sociale fraîchement arrivée de Londres pour rejoindre un insipide beau mâle (Gavin) semble un peu plus honnête que les autres mais manque clairement de lucidité. Quant aux ados, ils sont tout simplement affreux : Andrew (Arf), Stuart (Fats) sont deux garçons imbus d'eux-mêmes, en pleine découverte de leur puberté, testant toujours les limites, n'hésitant pas à harceler les plus faibles et peu respectueux (voire ignobles) à l'égard de leur parents. Krystal Weedon est une ado délurée, vulgaire et souvent grossière, notamment vis-à-vis de sa mère Terri junkie, incapable de s'occuper de son petit frère. Certes sans éducation, cash et ordurière, elle n'en demeure pas moins quelque peu attachante, notamment par son amour absolu envers son petit frère et parce qu'au fond, elle a plutôt bon coeur - en témoigne son rôle clé dans l'équipe d'aviron du collège. Gaia, fille de Kay, est d'une beauté sublime, gentille mais d'un caractère plutôt trempé.....
J.K.Rowling nous entraîne donc dans un tourbillon de sentiments, de violence, d'hypocrisie, de manigances, de faux-semblants. C'est bien écrit, l'intrigue est bien menée mais les personnages sont soit pathétiques, soit tellement négatifs qu'il vaut mieux avoir le moral pour plonger dans l'ambiance sordide de ce récit. Un bon moment de lecture malgré tout même si J.K.Rowling semble parfois se complaire dans la description de la violence sociale et humaine.

jeudi 24 juillet 2014

Un tour en Islande

Fin de la trilogie de Jon Kalman Stefansson pour moi. Un magnifique conseil (merci Anne !).
Entre ciel et terre, La tristesse des anges et Le coeur de l'homme constituent les trois tomes d'une oeuvre magnifique. Comment la désigner ? roman d'initiation ou d'apprentissage ? ode à la vie ? hymne à la poésie, aux mots et à la littérature ? roman d'aventures ou roman introspectif ? C'est un peu tout à la fois.

En Islande, le climat et la vie sont rudes. C'est une terre âpre, aride qui enfante des hommes à son image. Ils doivent se battre avec la nature, le froid, le vent, la mer dont ils tirent leur subsistance. Le personnage principal, le gamin, est âgé d'une vingtaine d'années. Il travaille dur dans un équipage de pêcheurs qui doit extraire les morues des entrailles marines. Un matin, Bardur, l'ami et mentor du gamin, trop absorbé par les vers du Paradis perdu de Milton, oublie d'emporter sa vareuse. Le temps est glacial ce matin là et l'oubli lui est fatal malgré tous les efforts du gamin pour le ramener à la vie. « Un homme sans vareuse se retrouve ruisselant en un temps infime, le froid s'empare de lui comme un étau et ne le lâche plus, en tout cas, pas ici, en pleine mer. » Bouleversé par cette mort tragique, le gamin se met en tête de rapporter l'ouvrage maudit à son propriétaire, un vieux capitaine aveugle. Il marche sous la neige, dans le vent et ne trouve plus de raisons valables de vivre : à l'issue de son périple, il mourra et rejoindra les fantômes de ses morts (ses parents, sa soeur, Bardur...). « Il a rendu le livre, mission accomplie, merci bien, la prochaine affaire à l'ordre du jour consiste à décider s'il doit vivre ou mourir. » Mourir et rejoindre ses chers disparus ou les honorer en restant vivant et en cultivant l'amour des mots et de la poésie, tel est le choix du gamin. Mais c'est sans compter sur les fortes personnalités de Kolbeinn, Helga et Geirbrudur qui l'accueillent dans leur maison et le ramènent à la vie.
Le deuxième tome nous entraîne, après un périple maritime, dans une marche harassante, dans la campagne désolée du Nord de L'Islande. Le gamin accompagne Jens le postier (qui est tout de même arrivé quasi congelé sur sa monture dans leur village) pour l'aider à accomplir une tournée dantesque dans les fjords dangereux. Le frêle jeune homme amoureux des mots et le géant taciturne vont malgré tout s'entendre et vont apprendre à s'apprécier malgré les épreuves qu'ils rencontrent (le froid, le vent, les tempêtes, la neige ne les ménagent pas). Ils font face aux éléments, livrent le courrier au péril de leur vie et au gré des rencontres riches et variées (un pasteur mélancolique, une petite fille agitée d'une mauvaise toux, un fermier qui vient de perdre son épouse...). 
Dans le troisième tome, Jens et le gamin reprennent la route après avoir reconstitué leurs forces et fait connaissance avec quelques personnes du village où ils ont trouvé refuge. Une jeune fille rousse, notamment, suscite l'intérêt du gamin, tant du fait de la couleur de ses cheveux que de son attitude distante et curieuse à la fois. C'est donc le tome de la renaissance en quelque sorte, d'autant que c'est le printemps et que la neige fond, les jours allongent. Le gamin retrouve donc, après avoir enterré la femme du fermier Bjarni, Geirbrudur, Kolbeinn et la douceur de leur maison. Il reprend les cours d'anglais, de philosophie mais découvre aussi le poids des mots qu'il couche sur le papier lorsque Andrea, la femme du pêcheur Petur, vient les rejoindre après avoir lu la lettre dans laquelle il l'enjoignait de quitter cet homme au coeur si sec. Il reprend sa vie d'avant mais reste marqué par les rencontres qu'il a faites par-delà les fjords et ne cesse de se poser des questions sur le temps qui passe, la soif de savoir des hommes, leur goût pour le pouvoir et les difficultés qu'ils ont de laisser chacun vivre leur vie. Il sent également un besoin irrépressible de s'épuiser physiquement (il court tous les jours) comme pour chasser de son corps un trop plein d'énergie qu'il ne réussit pas à nommer. Car c'est le moment de l'éveil au désir et ses pensées ne cessent de se tourner vers cette jeune femme rousse....
Trois romans magnifiques qui peignent un tableau rude et sauvage de l'Islande, qui nous entraînent dans des paysages sublimes et terrifiants à la fois et brossent aussi de beaux portraits d'hommes et de femmes généreux, entiers, volontaires même s'ils sont malmenés par les éléments. C'est un texte extrêmement bien écrit, poétique et puissant qui nous emporte au fil des pages. 

"La vie doit être un scintillement d'étoiles et non un abîme de deuil et de souffrance. (...) J'ai  toujours cru que que le savoir et les livres rendaient heureux. Je sais aujourd'hui que je me trompais mais c'est la seule chose que je sache. La vie est difficile, mais elle est tout de même plus facile que la mort, cette saloperie qui nous prive de tout. Je veux dire de toutes les occasions possibles. Elle nous ôte nos yeux et nous empêche de lire, nous enlève nos oreilles et empêche quiconque de lire à voix haute pour nous distraire, nous prive de nos bras et on ne peut jamais étreindre celui qui compte le plus pour nous, jamais plus toucher celle qu'on veut toucher, trop de mains et de bras ont quitté ce monde. J'ignore où ils sont partis, je les vois en rêve, mais ils ne peuvent plus toucher personne. Autrefois, il n'y a pas encore très longtemps, je pensais que la seule façon de les atteindre était de mourir également. Mais je savais que je me trompais. Un jour, j'ai reçu une lettre où il était écrit que je devais vivre. Mais voilà, je ne voyais pas dans quel but. Il est important de le savoir, on ne saurait vivre pour la seule raison qu'on n'est pas mort, ce serait une trahison. Il faut vivre comme une étoile qui scintille. "


www.telerama.fr/livres/entre-ciel-et-terre,54719.php

jeudi 17 juillet 2014

Les poissons ne ferment pas les yeux

Cela faisait depuis longtemps que je n'avais pas lu Erri De Luca. Ce grand monsieur ciseleur de mots signe là un très joli roman d'apprentissage. Parvenu à "l'âge d'archive", il revient sur l'été de ses dix ans. Comme tous les étés, il descend dans l'île où il retrouve avec plaisir les pêcheurs, la mer, les grandes baignades.... Comme toujours, il se sent exclus, transparent dans ce corps dont il sent qu'il change, enveloppe qu'il considère comme trompeuse car elle change moins vite que l'intérieur.
C'est avec une grande sensibilité que Erri De Luca dépeint la mutation qui se fait jour l'été de ces dix ans. Il n'est plus un enfant, il n'est pas un adulte, il flotte dans un entre deux où les livres et les mots-croisés ne sont plus les seuls à tenir de la place. Une fillette apparaît sur la plage. Elle est passionnée par les animaux, ne le regarde pas de travers comme les autres qui le prennent pour un intello et va même l'obliger à revoir son acception du mot "aimer" dont il trouvait jusqu'alors que les adultes en faisaient des tonnes. Cet été-là, donc il découvre l'amour mais aussi la violence, la cruauté (quand il se fait tabasser par trois garçons jaloux) et la vengeance.
Un très joli livre, écrit dans une langue superbe.

"La cloche sonnait et le vieil homme retira sa présence. J'aimais être abrité par le coucher du soleil, ne pas voir la fin certifiée du jour, avec le soleil disparu dans la mer. Alors, je préférais l'aube. Aujourd'hui, je cherche le coucher du soleil dans toutes les îles où je me rends. Je vais à l'ouest à l'heure où il se vide dans la mer. Aujourd'hui je racle l'assiette de l'horizon jusqu'à la dernière lumière."
"-Tu aimes l'amour ? (...)
- Aujourd'hui, je le sais, il provoque des changements et les personnes aiment changer. Je ne sais pas si j'aime ça, moi, mais je l'ai et avant il n'était pas là.
- Tu l'as ?
- Oui, je me suis aperçu que je l'avais. Ca a commencé par ma main, la première fois que tu me l'as tenue. "Maintenir" est mon verbe préféré. (...) Ca a commencé par ma main qui est tombée amoureuse de la tienne. Puis ça a été le tour des blessures, qui se sont mises à guérir très vite, le soir où tu es venue me voir et où tu m'as touché. (...)
- Alors, tu aimes l'amour ?
- C'est dangereux. Il en sort des blessures, et puis, pour la justice, d'autres blessures. ce n'est pas une sérénade sous un balcon, il ressemble à une tempête de libeccio, il malmène la mer au-dessus, et au-dessous, il la trouble. Je ne sais pas si je l'aime."

mardi 15 juillet 2014

Après le deu, un murmure doux et léger

.. voici un joli titre, tout doux, accompagné d'une couverture paisible. Mais à l'intérieur de ses pages, c'est de la violence, des sentiments forts, de l'âpreté que nous trouvons.

Evie Wyld a réussi avec élégance à retracer le parcours de trois générations à travers le portrait de deux personnages masculin  Franck et Léon, le fils et le père.
Les chapitres alternent, un par personnage (construction qui devient archi-classique mais dont l'auteur réussit à ne pas user de manière trop conventionnelle). Ils se racontent, se cherchent, se trouvent, se frottent aux autres, au monde mais sans réussir à renouer les fils familiaux. Evie Wyld tisse la toile dans laquelle ils sont englués, disséminant un à un les pièces du puzzle qui vont nous permettre de comprendre ce père et ce fils si semblables finalement par-delà leur distance. Franck après une séparation tumultueuse tente de se reconstruire et comprendre les flots de violence qui l'assaillent par moments; Léon cherche à retrouver le goût à la vie après la guerre du Vietnam.....et les deux se réfugient dans la cabane du grand-père (qui s'y était réfugié après la guerre de Corée) sur la côte nord-est australienne. Alcool, solitude, grandes virées dans les paysages sauvages ou dans le désert.... ils ont tout cela en commun quoi qu'en pense Franck qui a pourtant bien du mal à accepter ce que son père est devenu à la mort de son épouse. Il ne veut se souvenir que d'une loque humaine, imbibée d'alcool et incapable de s'occuper de lui quand Léon a été habile de ses mains (il a repris la boulangerie familiale), tendre et attentif. Mais Franck semble avoir un compte à régler avec lui-même et a bien du mal à l'accepter....
Un très beau livre, des personnages attachants même si parfois on a du mal à les comprendre et si l'auteur brasse peut-être trop de thèmes sans toujours vraiment les traiter. Pour un premier roman, c'est très prometteur !

samedi 12 juillet 2014

Bebacquista & Tardi

Une jolie collaboration aux éditions Estuaire.
Tonino Benacquista dont j'aime l'humour (mention spéciale à Saga et au Contrat) et Tardi ont associé leurs talents pour composer Le serrurier volant.


Marc est un homme à la vie tranquille, réglée comme du papier à musique. Il a peu d'ambition et se contente de sa routine. Un jour il devient convoyeur de fonds, métier pour lequel il se révèle finalement fait jusqu'au jour où.... il tombe dans un piège avec ses collègues. Il est le seul à réchapper de l'attaque violente et meurtrière. Sa vie bascule. Hôpital, soins intensifs, rééducation, retour à la maison difficile, solitude, alcool.... Il n'est plus le même homme et change de métier..... pour devenir serrurier ! Grâce à ce métier, il va réapprivoiser Paris, la ville, la vie, les hommes et les femmes qu'il croise. Il va découvrir les petites misères des uns, les vices des autres, les compromissions.... Jusqu'au jour où un client va lui permettre de solder ses comptes.
Un roman qui se lit très vite mais avec grand plaisir d'autant que les illustrations ne surchargent pas la maquette et renforcent le texte : une belle association de bienfaiteurs !

mercredi 9 juillet 2014

El ultimo lector

Au nord du Mexique, la sécheresse frappe le village d'Icamole. C'est là que Lucio, devenu bibliothécaire par la grâce d'un projet gouvernemental, nage dans un océan de fiction. Alors qu'il n'est plus officiellement bibliothécaire, il ne cesse de prendre son rôle très au sérieux. Il lit chaque titre avec fureur ou délectation, n'hésitant pas à censurer ceux qui n'ont pas l'heur de lui plaire (et à les donner à manger aux cafards dans une pièce réservée). Il lui importe de proposer à ses lecteurs potentiels (il n'en a aucun !) des livres de qualité, qui n'abondent pas en clichés et savent parler des choses sans chichis. Ses lectures font tellement partie de lui qu'il laisse à tout moment les récits empiéter sur la réalité. Quand son fils lui révèle qu'il a découvert le cadavre d'une fillette dans son puits, c'est dans la littérature qu'il cherche une explication. N'est-elle pas l'héroïne de la Fille du télégraphiste ? ou la Babette d'un célèbre roman ? L'enquête policière tourne autour des révélations du bibliothécaire et éveille la curiosité de la mère de l'enfant, grande lectrice elle aussi...
Un roman étonnant qui nous entraîne dans un monde à part où fiction et réalité ne font qu'un. David Toscana s'amuse à la perfection de cette perméabilité entre le monde réel et le monde littéraire.

vendredi 4 juillet 2014

Les aquariums lumineux

Claire est une jeune femme étrange, pas facile d'abord, pleine d'habitudes qui la rassurent. Elle habite dans un appartement qui donne sur une cour intérieur d'un immeuble parisien.  Claire observe ces " aquariums lumineux " où évoluent ses voisins. Grâce à elle, on pense suivre les chroniques d'un quotidien ordinaire, découvrir les secrets des uns, entendre les disputes des autres.... Mais pas seulement, sa rencontre avec M.Ishida, japonais d'origine, va faire basculer le roman vers le genre policier. Au début ce sont des conversations autour de la cérémonie du thé, de romans, des moments de silence, des pauses contemplatives. Mais la réalité reprend ses droits et entre par effraction dans la cour Les moments de suspens sont remplacés par de la tension, des recherches, un drame.
Un personnage étonnant tantôt agaçant, tantôt touchant. Le livre vaut surtout pour la galerie de portraits et aussi par la manière habile dont l'auteur nous fait basculer dans le roman policier dont elle joue avec les codes.

mardi 1 juillet 2014

Les lumières de Nicolas Le Floch

Le dernier opus de J.F.Parot, l'Année du volcan est un fort bon cru. On avait trouvé compliquée et confuse l'Enquête russe mais cette nouvelle enquête du commissaire aux affaires extraordinaires est vive, pleine d'allant, de rebondissements et bien menée. 
1783 l'éruption d'un volcan en Islande provoque des changements climatiques conséquents qui touchent les campagnes françaises exsangues (impôts, taxes, mauvaises récoltes). Une chose est sûre, le ciel s'assombrit pour le Royaume de France et la royauté n'est pas en odeur de sainteté. C'est donc alors que la France commence à vaciller, que les caisses se vident que Nicolas Le Floch est invité par Marie-Antoinette en personne à enquêter sur la mort d'un de ses proches, le vicomte de Trabard. A priori cela ressemble à un accident mais c'est sans compter sur la volonté de Nicolas de faire émerger la vérité.Et il apparaît que ce mort est mystérieux, impliqué dans une affaire de fausse monnaie dont les ramifications sont nombreuses et les complices retors et doubles. Et l'on constate avec la même amertume que Nicolas qu'il y a quelque chose de pourri dans ce royaume de France (les Grands et les puissants, clergé inclus, ne se gênent pas pour satisfaire leurs plaisirs et désirs quand le peuple trime *). Jean-François Parot déroule non seulement une intrigue pleine de rebondissements (qui nous mène jusqu'à la perfide Albion) mais brosse un tableau intéressant des prémisses de la Révolution.
On y retrouve les descriptions truculentes des repas de l'époque, les comparses habituels du commissaire (Bourdeau, Secmagus, Samson, M.de Noblecourt...), la langue virtuose du XVIIIè siècle. Un régal !


* ça ne vous rappelle rien .... ?

jeudi 26 juin 2014

Un livre coup de poing

En finir avec Eddy Bellegueule est un un premier roman, fort, dérangeant, d'aucuns diront malsain.
Le jeune auteur, Edouard Louis, s'inspire peut-être de sa vie et nous fait plonger dans la violence quotidienne qui s'exerce contre les "pédés". Car telle est l'étiquette dont il se voit affublé très tôt. Coups de poings, insultes, crachats, viols (plus ou moins consentis), il ne nous épargne rien. Il raconte les mauvais traitements quotidiens qu'il subit avec un certain masochisme peut-être. Comme s'il voulait éprouver jusque dans son corps la haine liée à sa différence. Parce que lui, il est plus délicat que les grands dadets de son entourage, il est soucieux de son hygiène, d'une certaine éducation, ne se débrouille pas si mal que ça à l'école. Face à lui : un père violent et alcoolique, une mère simplette, un frère et une soeur qui sont rentrés dans le moule de leur milieu beauf et peu reluisant, des fins de mois plus que difficiles, le manque d'argent, l'omniprésence de la TV, des flots d'alcool et de grossièretés...... C'est presque du Zola du XXIè siècle ! En attendant de fuir cette précarité et ce milieu, d'échapper à ce déterminisme social, il encaisse les coups, les mots qui font mal. Il encaisse comme pour tester ce corps dont il pense, au début, qu'il le lâche.  Et ce qui prend à la gorge c'est le fait  que tout ça, ça existe vraiment ! Elle n'est pas belle la Picardie de son enfance, il est très laid ce village où les conversations ont des relents xénophobes, où l'ambition semble avoir déserté..... Avec Eddy, on touche le fond de la misère sociale, culturelle, on en prend plein la g.......
Entretien Télérama avec Edouard Louis 

lundi 23 juin 2014

En plein dans le mille !

Quand William Boyd s'essaye au roman d'espionnage, il fait mouche. Mission accomplie donc pour cet auteur britannique qui met ses pas dans ceux de Ian Fleming, créateur du fameux 007. 
Dans Solo, Boyd envoie donc le fameux agent secret dans un petit pays d'Afrique occidentale, le Zanzarim. Une guerre civile violente y fait rage et notre agent secret préféré a pour mission d'y mettre fin. Joli cadeau d'anniversaire pour celui qui vient de fêter des 45 printemps ! Accueilli par la ravissante Grâce, James se retrouve vite dans une situation délicate, aux mains des forces rebelles. Il est même grièvement blessé mais fermement décidé à faire la lumière sur une sombre histoire de trafic d'armes ou/et d'enfants, un truc un peu louche orchestré par des individus peu recommandables..... Quitte à  s'affranchir des règles et à travailler en solo pour atteindre la cible.
Tous les ingrédients d'un James Bond sont là : M, les whisky et autres vodka martini, les jolies femmes, les belles voitures, les planques...... Et en plus c'est bien écrit ! 
Une brillante imitation qui ne tombe jamais dans la caricature et dépasse même peut-être l'original. L'intrigue nous tient en haleine jusqu'au bout nous entraînant dans une subtile intrigue géopolitique. 
Vous avez dit Bond, James Bond ......

dimanche 22 juin 2014

West side story au musée d'Orsay

Réjouissante cette Moderne Olympia ! Ou comment conjuguer West Side Story, Histoire des arts et BD.
Tout droit échappée du célèbre tableau de Manet, Olympia ne cesse de courir les plateaux en quête de rôle de figurante. Elle n'aspire qu'à une chose : incarner Juliette et donner la réplique à Roméo. Mais elle se fait doubler par Vénus, star des studios d'Orsay, qui ne cesse de tourner sur des mises en scène orchestrées par les plus grands (Manet, Toulouse Lautrec, Cabanel, Van Gog. Et oui, quand on fait partie des Refusés, il n'est pas si facile de percer ! Et surtout pas de tomber amoureuse d'un "Officiel" même s'il est transi d'amour pour vous.
Catherine Meurisse se joue de l'art de l'intertextualité avec brio et nous entraîne dans les tableaux du Musée d'Orsay avec humour et énergie. Quand le célèbre musée devient le lieu de tous les possibles. 
Suivez le lien pour vous faire une idée : http://bit.ly/T2N8ti
A lire !

samedi 21 juin 2014

Un manga historique

Une grande première : je me plonge avec délices dans les premiers tomes du Manga Cesare de Fuyumi Soryo et ai bien du mal à en sortir ! 
Pise, Renaissance, Borgia, Médicis, Léonard de Vinci etc... Ces noms font naître tout de suite des images, éveillent de vagues souvenirs et sont connus de tous mais que sait-on vraiment d'eux ? L'auteur s'attache à nous dépeindre, avec minutie et avec force recherches (historiques, littéraires, picturales...) la personnalité de Cesare Borgia. Peut-on le réduire à un être violent, cruel et sanguinaire ? Pour Fuyumi Soryo, c'est un être plus complexe qu'elle veut nous dépeindre. C'est donc par l'intermédiaire d'un jeune Florentin, Angelo, fils d'artisan et non dénué de vivacité intellectuelle, que nous allons découvrir Cesare. Angelo est un protégé de Giovanni de Médicis grâce auquel il a pu entrer dans la célèbre université de Pise. A peine arrivé, il s'attire les foudres du fils de celui-ci par sa candeur, sa naïveté et sa franchise. Peu au fait des règles qui régissent les cercles étudiants (qui regroupent les étudiants originaires des mêmes villes) et les relations fondées sur les influences et les ambitions des uns et des autres, Angelo découvre un monde nouveau. Pise est, en effet, en 1491 un territoire sous influences où il n'est pas aisé de trouver sa voie.
Un dessin magnifique, parfois en couleur (reconstitution de la chapelle Sixtine avant les fresques de Michel Ange), des personnages fouillés, une intrigue enlevée : une belle réussite !

vendredi 20 juin 2014

Road movie déjanté

Carlos Salem signe, avec Je reste roi d'Espagne, un road movie barré dans lequel il entraîne un flic mélancolique - voire dépressif- et le roi d'Espagne qui a bien envie d'aller voir ailleurs et d'échapper au protocole officiel. Ils vont être poursuivis par Terreur et d'autres tueurs à l'air fort méchant, bien décidés à éliminer la personne royale....
L'intrigue peine à se mettre en place dans les premières pages et l'on se demande si l'on va cheminer avec l'ex-flic devenu détective Arregui. Mais quand tout s'emballe et que l'on apprend que le roi a disparu en laissant un message pour le moins sibyllin : "Je vais chercher le petit garçon. Je reviendrai quand je l'aurai retrouvé. Ou pas. Joyeux Noël", on s'embarque dans leur folle aventure, bien décidé à savoir ce que ce duo improbable va pouvoir inventer et comment il va se se sortir des griffes de ceux qui les poursuivent. Et on les suit, au gré de leurs pérégrinations, de course-poursuites rocambolesques, de traversées du désert et de villages arriérés dans une Espagne fantastique. Avec eux, on rencontre un voyant rétroviseur, un chef d'orchestre à la recherche d'une symphonie dans une somptueuse Rolls ..... on erre dans une Espagne parallèle, sur des sentiers qui mènent à une rivière qui permet de retrouver le monde réel..... Comme si cette escapade dans un autre temps permettait de se réconcilier avec le passé et d'accepter le présent.
Bref, Carlos Salem joue avec les codes du polar, mêlant tour à tour fantastique, mélancolie et humour. Car, il faut imaginer le souverain attifé d'une perruque de hippie, s'engueulant copieusement avec son compagnon de cavale ou lui racontant des blagues très nulles.... qui ne sont peut-être pas étrangères à toute cette affaire.....
C'est réjouissant et déjanté : merci à Magali pour le conseil.

lundi 16 juin 2014

Dress code

Dans son ouvrage, De l'art de mal s'habiller sans le savoir, Marc Beaugé - chroniqueur dans M le magazine du Monde - épingle les travers vestimentaires de ses congénères. Ses chroniques sont réunies dans trois rubriques : Trop à la mode, Trop maniéré, Trop ringard. Elles sont toutes illustrées par Bob London.
Est-ce bien raisonnable de s'habiller tout le temps pareil ? de porter des tongs à la ville ? de relever le col de son polo ? Personne n'est à l'abri d'une faute de goût.
Il s'agit donc de passer en revue les modes et tics de la mode masculine et féminine sans hésiter à rappeler que « derrière chaque usage et tic vestimentaire il y a un truc, une histoire, un technique, une ficelle psychologique, un héritage sociologique ou une embûche marketing. » On y apprend qu'il est vraiment ringard de porter un pull sur ses épaules, de mettre un teee-shirt sous sa chemise et que le port du sac à mains au pli du coude est à proscrire !
C'est drôle, assez caustique même si parfois un peu répétitif. A déguster et à méditer si on ne veut pas ressembler à ça ........

samedi 14 juin 2014

Tendre et frais

 Le voyage de Monsieur Raminet de Daniel Rocher est un petit livre frais et léger qui se déguste comme un joli fruit de saison. Monsieur Raminet, bien vite rebaptisé Pussy, est un prof de droit civil à la retraite. A soixante-six ans, il passe le permis, s'achète une voiture et s'embarque pour Saint-Malo. En route, il tombe sur/fait la connaissance d'une jeune américaine Jane, jolie comme un coeur et en plein road trip pour découvrir le monde, la vie, les autres. Ce duo désaccordé prend la route et au gré des étapes et des aventures apprend à se connaître. Ils croisent tour à tour un ancien navigateur, un jeune braqueur, un clochard paumé, des jeunes friqué.  Monsieur Raminet, au langage fleuri et un peu ampoulé se révèle finalement assez open. Il apprend même à faire de la planche à voile !  Quant à Jane elle n'est pas une simple belle-plante.... Et ça discute philosophie, sens de la vie avec humour, tendresse.
Un bon petit moment !

vendredi 13 juin 2014

Dans le scriptorium de Paul Auster

"L’homme qui, ce matin-là, se réveille, désorienté, dans une chambre inconnue est à l’évidence âgé. Il ne sait plus qui il est, il ignore pourquoi et comment il se retrouve assigné à résidence entre les quatre murs de cette pièce, percés d’une unique fenêtre n’ouvrant que sur un nouveau mur et d’une porte qui, pour lui demeurer invisible, doit bel et bien exister puisque des “visiteurs” vont la franchir… Sur un bureau, sont soigneusement disposés une série de photographies en noir et blanc, deux manuscrits et un stylo. Qui est-il ? Et que lui veulent ses interlocuteurs, dont cette Anna qui lui donne du “Mr Blank” et lui parle de comprimés, d’un traitement en cours, mais aussi, étrangement, d’amour et de promesses ? Une journée se passe, lors de laquelle les “visiteurs” qui se présentent reprochent au vieil homme de les avoir jadis envoyés accomplir de mystérieuses et périlleuses missions dont certains sont revenus irrémédiablement détruits. Et cependant qu’entre deux vertiges, corps et mémoire en déroute, Blank interroge des souvenirs qui refusent de se laisser exhumer, qu’il cherche dans le manuscrit l’hypothèse d’une explication, une caméra et un micro enregistrent le moindre geste, les moindres bruits de cette chambre où il subit son ultime et interminable épreuve…"

Tel est le résumé que l'on trouve sur la quatrième de couverture de cet ouvrage publié en 2007.
Blank est un vieillard sénile (ou en train de le devenir) ou la victime d'une terrible machination (enfermé par une organisation occulte) puisque l'on enregistre ses moindres faits et gestes et paroles. Assez vite, on comprend que Blank est enfermé dans sa création et croise la route de personnages qu'il a lui-même créés. Le roman devient alors la mise en abyme de la création littéraire : l'auteur est confronté à ses créatures, se pose la question du vieillissement et de l'inspiration. Intéressant mais l'on reste sur sa fin car Paul Auster se contente de confronter l'auteur à ses personnages sans pousser assez loin la réflexion sur le rapport entre ces êtres de papier et leur démiurge. 

mardi 27 mai 2014

Expo 58

Le dernier Jonatahn Coe nous emmène dans le rayon des romans d'espionnage. Bien sûr, cet auteur facétieux nous livre une parodie ! 
Thomas Foley, jeune fonctionnaire attaché au ministère de l'Information, se retrouve catapulté à Bruxelles où il hérite de la charge du Brittania, pub qui a pour mission de devenir la vitrine de la grandeur de la nation britannique et d'incarner sa culture. Défi à sa hauteur ? pour ce qui est de superviser la distribution des pintes, Thomas va s'en sortir, pour le reste, il est plus hésitant. Tiraillé entre le souffle de la nouveauté et du progrès, entre une envie de changement et tout ce que représente l'exposition universelle de 1958 et sa vie de jeune père bien rangé, Thomas a bien du mal à choisir. Flirter avec Anneke, la jeune hôtesse belge, se révèle pourtant plus piquant que sa vie pépère en compagnie de sa jeune épouse Sylvia. Et c'est sans compter sur les personnalités qu'il croise et la vie nocturne dans laquelle il est entraîné (car l'expo est source de festivités nombreuses). 
Tony le scientifique, Chersky le russe vont croiser sa route comme deux hommes obscurs et engoncés dans leur imperméable (Wayne et Radford), deux agents secrets plus drôles qu'inquiétants (un peu Dupont et Dupond). 
Une sympathique parodie de roman d'espionnage, de bons moments, d'autres moins bons. On passe un fort bon moment même si ce n'est pas le meilleur opus de Jonathan Coe.

jeudi 22 mai 2014

Délicieux !

Premier coup d'oeil à la couverture : bleu électrique, tranche de gâteau au chocolat et au citron, on s'en lèche les babines ! Alors, on se saisit du livre et on commence à le déguster. Et oui, c'est un délicieux moment de lecture que nous offre La singulière tristesse du gâteau au citron d'Aimée Bender.
Le jour de ses neuf ans, Rose Edelstein goûte une part de son gâteau d'anniversaire : nouvelle recette, nouveaux goûts. Il est délicieux, ce gâteau eu chocolat et au citron, délicieux mais aussi avec un drôle de goût. En effet, il a un goût de manque, de vide ! 
Patatras, Rose découvre, ce jour-là, qu'elle a le don de ressentir les émotions de ceux qui confectionnent plats et aliments ! Des sentiments de désespoir aux sentiments amoureux, la palette est grande mais, parfois, c'est très gênant ! Au risque d'en perdre le goût de la nourriture et de la vie, et, en tous les cas, de ne pas pouvoir regarder les autres sans les connaître plus qu'ils ne pensent.....C'est ainsi qu'elle découvre la double vie de Lane, sa mère, mais est aussi capable de découvrir que les ouvriers qui ont cueilli les oranges sont exploités. Ce n'est pas de tout repos ! 
Rose grandit, apprend tant bien que mal à vivre avec son don particulier, cherche à mieux comprendre son drôle de frère Joseph (qui, lui aussi, est doté d'un pouvoir embarrassant), découvre les premiers émois amoureux, brûle d'admiration pour le si brillant George ..... et n'en finit pas de porter un regard aigu sur la cellule familiale.
Un angle d'attaque original pour peindre la vie d'une famille ordinaire et écorner l'image d'épinal de la famille idéale.L'auteur peu à peu nous fait basculer d'un univers réel à une univers plus fantastique car, chez les Edelstein, ils sont plusieurs à être pourvus de pouvoirs embarrassants (un odorat surpuissant, la capacité de se fondre dans le décor au point d'y disparaître...). Une roman que l'on dévore même si l'on aurait souhaité que l'histoire de Joseph soit plus fouillée.